Références bibliographiques
S. Freud, L'Interprétation du rêve, OCP IV, 2003, PUF. (voir en ligne)
S. Freud, L'Interprétation des rêves, tr. fr. J.-P. Lefebvre, 2010, Seuil.
S. Freud, L'Interprétation/La Science des rêves, tr. fr. I. Meyerson, entièrement révisée par D. Berger, 1926, 1967², PUF.
D. Anzieu, L'Auto-analyse de Freud et la découverte de la psychanalyse, vol.1 et 2, 1975², PUF (pas l'édition réduite en un seul volume).
D. Bourdin, Sigmund Freud, L'Interprétation des rêves, 2005, Bréal (un aide-mémoire précis et utile).
P.-H. Castel, Introduction à L'Interprétation du rêve de Freud. Une philosophie de l'esprit inconscient, PUF, 1998. Voir notamment l'Avant-propos et la préface de ce livre, ainsi que mon Résumé analytique de la Traumdeutung.
A. Mayer & L. Marinelli, Rêver avec Freud. L'histoire collective de L'Interprétation du rêve, Aubier, 2009.
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A/ Introduction: programme d'études de ce séminaire
1. La Traumdeutung comme un texte de philosophie de l'esprit.
2. Mais ce texte qui est une théorie générale de l'esprit a également institutionnalisé une nouvelle forme de réflexivité collective (la psychanalyse, ses controverses) en lien immédiat avec une nouvelle pratique thérapeutique-émancipatrice: l'association libre sur les rêves (les symptômes, les fantasmes), dans la cure-type. C'est la réflexivité exigible d'un projet de vérité sur soi "par soi" typique de l'individualisme moderne (son idéal d'autonomie). Contexte éliasien de ma démarche: le Freud auteur de la Traumdeutung: un Juif libéral en Autriche-Hongrie avant 1914. Rationalisme progressiste des Lumières, universalisme, scientisme, historicisme, économisme. Or les conditions d'émergence de la psychanalyse (avec la théorie du rêve comme intégrateur "métapsychologique" en 1900) ne sont pas celles de son développement et de son extension (de l'inclusion, y compris comme "erreur exemplaire", du "mouvement psychanalytique" dans le "processus de civilisation" moderne, au-delà de Freud).
Après Freud, donc, examiner le kleinisme (Meltzer contre la Traumdeutung), ou Lacan (le rêve n'est plus qu'un domaine où s'illustre les "jeux du signifiant"), Bion enfin (le rêver-processus, dreaming). Or tout cela s'appuie sur des procédés techniques et des idéaux thérapeutiques-émancipateurs ainsi que sur des compréhensions idéologiques-sociales du "malaise dans la culture" (et donc des types de patients) chaque fois distincts.
3. Une lecture épistémologique "expressiviste" de l'émergence et de la stabilisation des concepts-clés de la doctrine psychanalytique du rêve/rêver à partir des pratiques effectives. Une mise en parallèle desdites pratiques avec les attentes normatives, mais aussi les contraintes structurales, qui régissent la quête d'une guérison-libération "psychique" dans les sociétés individualistes modernes en évolution.
4. L'hypothèse ultime de cette mise en perspective socio-historique longue de la Traumdeutung. D'abord une connexion entre philosophie de l'esprit (de la connaissance, épistémologie) et sociologie historique de la connaissance (à la Durkheim, Formes élémentaires de la vie religieuse) de l'émergence de catégories réflexives générales (inconscient sexuel, refoulement, Œdipe, etc.). Ensuite (à la Elias) l'idée d'une évolution réelle des appareils psychiques des individus, après et à cause des théories freudiennes du rêve.
5. Méthode de travail.
B/ Premières hypothèses et questions sur l'évolution de la théorie psychanalytique du rêve après les années 1930, puis après Freud
1. Point de départ: A. Mayer & L. Marinelli, Rêver avec Freud. L'histoire collective de L'Interprétation du rêve. Les trois phases de l'histoire du texte. Quelques points critiques dans l'histoire de sa réception et de sa diffusion: l'idée d'auto-analyse, la résistance suisse à la notion de rêve "gardien du sommeil", le problème du symbolisme et le cas spécial du "complexe" d'Œdipe, les problèmes liés à la traduction. A chaque fois, parallèle entre une formation discursive-théorique et une formation sociale: théorie du rêve et institutionnalisation/"impersonnalisation" de la psychanalyse.
2. Retour philosophique et psychanalytique sur le travail de Mayer et Marinelli. Formation discursive matérialisée dans un livre-dispositif (multi-couches) vs. réseau conceptuel caractérisé par les inférences nécessaires et les incompatibilités (Koselleck vs. Duso). La question du sens et de la vérité des énoncés en histoire des idées et des sciences. Mais aussi du point de vue sociologique, plusieurs paradoxes: l'auto-analyse implique-t-elle de s'identifier à Freud? Peut-on alors arriver à une impersonnalité dans la démarche? Le "dictionnaire de symboles" comme fausse piste pour concevoir l'institutionnalisation de la psychanalyse: quelques alternatives.
3. La dynamique intellectuelle de la théorie du rêve après Freud. Premiers jalons.
- L'établissement d'une orthodoxie du rêve-effet empirique-du-refoulement (Anna Freud et la "psychologie psychanalytique"). En pratique, l'analyste "sain" ne devrait pas rêver de son patient. Le problème du contre-transfert.
- Melanie Klein et l'idée de "phantasme" (inconscient) dont le rêve est l'expression (ainsi qu'un moyen de se défendre contre lui). On part de l'enfance, et cela ruine l'articulation classique rêve // psychose.
- Le moment Ella Sharpe (cours des années 1930): Dream Analysis. A Practical Handbook, 1937. A la fois une théorie néo-kleinienne (issue également de Ferenczi) du corps symbolisé/symbolisant dans le rêve, et une théorie rhétorique-poétique du travail créateur du rêve.
- Lacan, lecteur critique d'Ella Sharpe ("Le désir et son interprétation", séminaire 1958-1959): le travail du rêve plus que les pensées du rêve, et le jeu du signifiant comme facteur central du déchiffrement du rêve (le rêve imaginarise le symbolique, l'interprétation (re-)symbolise l'imaginaire). Dé-psychologisation relative du rêve.
- Bion après Melanie Klein: le rêver-processus (dreaming) comme traitement originaire des excitations, et la création de l'espace interne par ce même processus. Une métapsychologie entièrement nouvelle, fondée sur la "rêverie" en séance.
- Meltzer: Dream Life. A Re-examination of the Psychoanalytic Theory and Technique, 1983. Réfutation explicite de la Traumdeutung (de son psychologisme scientiste périmé) au nom des acquis kleiniens-bioniens. La vie éveillée n'est que le contenu manifeste d'un rêve latent qui ne cesse jamais.
4. Nécessité d'un contexte socio-historique large. On ne saurait en rester à des formations discursives mises en relation extérieures avec des formations sociales. L'approche expressiviste: rendre explicite dans les concepts les règles suivies en pratique. Les conditions pratiques de la cure: étroites (cliniques, institutionnelles) et larges (sociales et politiques). Emergence d'une nouvelle "grammaire du rêver".