mardi 5 décembre 2023

4. Naissance et développement de la psychanalyse d'enfant au 20e siècle: un programme d'études

 Bibliographie

P. Ariès, L'Enfant et la vie familiale sous l'Ancien régime, Seuil, 1975².

P.-H. Castel, Mais pourquoi psychanalyser les enfants? Un rituel thérapeutique dans les sociétés modernes, Cerf, 2021 (voir aussi un exposé sur ce livre en lien direct avec le thème du séminaire, ici).

N. Elias, "La civilisation des parents" in Au-delà de Freud, Sociologie, psychologie, psychanalyse, La découverte, 2010.

C. et P. Geismann, Histoire de la psychanalyse de l'enfant, Bayard, 2004.

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A/ Introduction

(Enregistrement de l'exposé)

Revisiter et amplifier une enquête antérieure à partir de la problématique du séminaire.

1. L'enfance des modernes et le processus de civilisation d'Elias; l'histoire de l'enfance sur le temps long, les ruptures propres à la modernité; l'enfance comme observatoire remarquable de la psychogenèse; la "civilisation des parents".

2. La psychanalyse des enfants comme source constante de "modernisation" du freudisme (Anna Freud, Melanie Klein, Winnicott), et en ce sens comme acteurs du mouvement s'accélérant de la modernité; les repères principaux posés par le cas du "Petit Hans". L'articulation de cette forme de soin aux réformes sociales (via la puériculture, la pédagogie ou la gestion originale de "l'enfance délinquante").

3.  La contribution des concepts-clés de la psychanalyse d'enfant à la réflexivité sociale touchant l'autonomie individuelle et son acquisition toujours plus précoce; insister sur l'homogénéité relative des pratiques thérapeutique malgré l'hétérogénéité des théories.

4. Différences avec le projet poursuivi dans Mais pourquoi psychanalyser les enfants?

B/ Enjeux pour l'histoire conceptuelle, d'un point de vue pragmatiste

mardi 21 novembre 2023

3. Les moyens du projet: histoire conceptuelle, philosophie de l'esprit, sociologie de la connaissance

 Bibliographie 

Elias N. (2010). Au-delà de Freud. Sociologie, psychologie, psychanalyse. Paris, La découverte.

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(Enregistrement de l'exposé)

A/ Introduction

B/ L'histoire conceptuelle: Kosellek ou Duso?

C/ Une philosophie sociale de l'esprit: pragmatisme et rationalisme

D/ Synthèse: une sociologie historique de la connaissance de et dans la modernité, où la psychanalyse serait plus qu'un objet d'étude spécial

1. La dimension intégrative de la sociologie de la connaissance. Histoire conceptuelle, donc philosophie sociale et pragmatiste de l'esprit, donc socio-histoire empirique de la connaissance. Modernité et centralité de la réflexivité collective.

2. La sociologie standard de la connaissance (Durkheim, Mannheim) ne devrait étudier que les "représentations" (et des valeurs, des idéaux), et des représentations "de sens commun", mais ni scientifiques ni même philosophiques. Or Freud revendique le statut scientifique de la psychanalyse. 

3. Le problème de l'incorporation de la psychanalyse à la réflexivité critique ordinaire des Modernes. Non la "connaissance psychanalytique" comme objet-domaine d'enquête spécial, mais la contribution de la psychanalyse, au 20e siècle et jusqu'à aujourd'hui, à l'élaboration de représentations collectives importantes pour la réflexivité critique, à partir de l'élucidation des pratiques ("thérapeutiques", i.e. de socialisation/resocialisation).

4. Etudier, à travers ce qui change dans le mouvement psychanalytique, ce qui change avec ce mouvement dans les sociétés individualistes modernes, puis ce qui change dans ces sociétés qui ne pouvait être capté que par les voies de la psychanalyse et, enfin, ce qui rend alors la psychanalyse fonctionnellement nécessaire au mouvement de réflexion critique spécifique à l'intégration des sociétés modernes.

5. Ce qui en rejaillit sur la modernisation/réactualisation permanente de la psychanalyse elle-même, comme corpus practico-théorique.

E/ Conclusion: différences entre cette modalité d'enquête et l'approche traditionnelle (épistémologico-critique) de la psychanalyse en philosophie

1. Wittgenstein, Popper, Ricoeur, Grünbaum: des approches radicalement internalistes de la cohérence logico-conceptuelle de Freud en relation à sa prétention à la scientificité naturaliste.

2. Du coup, le champ est libre pour une lecture purement externalistes des "influences culturelles" sur la psychanalyse.


mardi 24 octobre 2023

2. Les moyens du projet: histoire conceptuelle, philosophie de l'esprit, sociologie de la connaissance

Bibliographie 

Blitstein P. & Lemieux C. (2018). Comment rouvrir la question de la modernité : Quelques propositions. Politix, 123, 7-33.

Elias N. (2010). Au-delà de Freud. Sociologie, psychologie, psychanalyse. Paris, La découverte.

Kosellek R. (1997). L'Expérience de l'histoire, chapitres 1 et 2. Paris, Seuil et EHESS.

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(Enregistrement de l'exposé)

A/ Introduction

(Transition, rappel des deux inspirations principales: Elias et l'école de Francfort)

1. Modernité et "modernisateurs". Le fantôme de Hegel.

2. La psychanalyse comme formation intellectuelle-réflexive en constante modernisation. Des psychanalystes comme réformateurs sociaux.

B/ L'histoire conceptuelle: Kosellek ou Duso?

1. La double contrainte qui pèse sur l'histoire conceptuelle: éviter le logicisme internaliste strict (le concept abstrait sans histoire) et le contextualisme social (une histoire des catégories générales et des valeurs collectives, "utiles" ou "idéalisées", mais coupée de leur force logico-rationnelle propre, de leur fonction spécifique dans un argument).

2. Kosellek: de l'historiographie à un modèle général d'enquête lexicographique et socio-pragmatique sur les concepts de la philosophie politique. Une histoire des usages des mots savants? Application au surmoi.

3. Duso (et l'école de Padoue): une analyse des champs conceptuels qui fait place aux arguments. Les futurs possibles des concepts. Application, derechef, au surmoi.

C/ Une philosophie sociale de l'esprit: pragmatisme et rationalisme

D/ Synthèse: une sociologie historique de la connaissance dans la modernité où la psychanalyse serait plus qu'un objet

vendredi 9 juin 2023

Le mouvement psychanalytique au 20e siècle. Histoire conceptuelle, philosophie de l’esprit et sociologie de la connaissance (annonce du séminaire 2023-2024)

Programme

(UE79, lien pour s'inscrire)


En quel sens les concepts éminemment « psychologiques » de la psychanalyse, et ce qu’ils prétendent faire connaître du « sujet individuel », sont-ils en vérité des catégories sociales — i.e. des catégories de la connaissance réflexive sociologiquement et historiquement déterminées ? Poser cette question est dérangeant : la psychanalyse a souvent revendiqué une position d’extériorité, voire de transcendance par rapport au social, soit par la voie naturaliste (Freud), soit au risque de généralités quasi métaphysiques (Lacan). La justifier exigerait, déjà, de prendre soigneusement en considération, quand on entreprend l’histoire conceptuelle de la psychanalyse au 20e siècle, les métamorphoses de la socialisation individualiste, ses multiples crises dans les sociétés modernes, et les remèdes qu’on leur a imaginés, dont, entre autres, le divan. Mais ce ne serait pas assez.

Plutôt qu’offrir une nième mouture de l’« histoire culturelle » des influences qui ont façonné les théories freudiennes et post-freudiennes, ce séminaire ambitionne de s'appuyer sur le parallèle défendu par Norbert Elias entre sociogenèse et psychogenèse tout du long du processus de civilisation, autrement dit, d’appréhender la réflexivité psychanalytique à l’aune des paradoxes de ce processus et des épreuves individuelles et collectives qu’il implique. Projet bien différent de celui, plus banal, d’une critique épistémologique de la psychanalyse. Mais avec cela, argumentera-t-on, l’enjeu capital de l’objectivité des notions psychanalytiques ne disparaît nullement ; il est au contraire réélaboré, mais à la lumière d’une philosophie sociale de l’esprit, explicitement pragmatiste et expressiviste. On examinera donc les chances d’un tel programme de recherches en s'appuyant sur les exemples étudiés l'année passée (la névrose obsessionnelle et les "états-limites"), en en examinant d'autres encore, et en affinant les outils déjà mis en œuvre.

mercredi 26 avril 2023

9. L'émergence sociale et politique du concept de sujet selon Lacan entre 1920 et 1968 (Marcelo Figueiroa Nunez)

(Enregistrement de l'exposé et de la discussion)

Introduction

1) Présentation de la problématique de la thèse. Penser les transformations sociales du 20e siècle comme ce qui permet l'émergence du concept de sujet selon Lacan (perspective éliasienne et sociologie de la connaissance).

 2) Justification de la période choisie pour la recherche.

A. Les années 1920. Les transformations après la première guerre mondiale, les années folles et l'expérience de la génération de Lacan. La première génération de psychanalystes et la création de la SPP en 1926, Exemples de quelques débats au sein de la SPP, la séparation entre technique et théorie ainsi que le débat sur la psychanalyse profane. Les changements dans la vie intime à partir des limites entre vie privée et vie publique. Allusion à la critique de la psychologie intérieure de Georges Politzer.

B.  La crise de 1929, la deuxième génération de psychanalystes (celle de Lacan) et la montée du fascisme. Le Front populaire a rassemblé une grande partie des transformations sociales et affectives résultant des changements dans le monde du travail.

C. Renouvellement de la SPP après la guerre. Apparition du structuralisme et le commencement du séminaire de Lacan. Apparition des premiers lacaniens et rupture entre la SPP et la SFP. Problèmes liés aux nouveaux patients, l'exemple d'Anne-Lise Stern.

D. Les années 1960. Une nouvelle génération d'analystes nés juste avant ou pendant la Seconde Guerre mondiale, une alliance entre althusseriens et nouveaux lacaniens. Nouvelle rupture dans la psychanalyse française, scission de la SFP et naissance de l'EFP, institution fondée par Lacan. La Passe, fin de la période de ma thèse.

3) Problèmes présents dans mon travail de thèse.

A. Problèmes de méthode : à quelle échelle travailler ?

B. Le problème de la pertinence dans un travail interdisciplinaire. Comment trouver une voie d'analyse pour que la recherche ne déborde pas.

C. Les controverses au sein de la thèse (marxistes, existentialistes, féministes, catholiques, psychiatres et psychanalystes).

D. L'analyse des pratiques en psychanalyse.

4). Le concept de sujet selon Lacan.

A. Le discours de Rome de 1953, une interprétation du langage qui touche à la technique et au concept de sujet.

B. "Subversion du sujet et dialectique du désir dans l'inconscient freudien" C'est la première fois que Lacan définit le sujet comme un signifiant qui représente un sujet pour un autre signifiant. 1960

Conclusion. Quelques idées sur le fonctionnement de la technique lacanienne.


vendredi 17 mars 2023

8. Les états-limites selon les psychanalystes: d'un problème "pratico-technique" au développement d'un nouveau type de caractère, considérés en termes socio-pragmatiques, puis éliasiens (2)

(Enregistrement de la séance)

A/ Introduction

              B/ Les éléments pratico-techniques de la crise du "cadre" traditionnel en psychanalyse

              C/ Premier métalangage, de nature théorique: une métapsychologie inédite pour les EL

1. Rappel: différences entre une "métapsychologie" théorique et internaliste des EL et un métalangage "pragmatiquement médié" du vocabulaire (grammaire) des EL.

2. Les éléments-clés de cette nouvelle "métapsychologie": un autre narcissisme, une théorie du cadre comme espace transitionnel fonctionnant en tiers, une notion généralisée de la limite comme non-établie.

  • Un narcissisme qui n'est plus uniquement rapport érogène à soi, mais déconnectant, dévitalisant, excluant l'autre. Cliniquement: l'oscillation mégalomanie pseudo-maniaque/ennui et dépressivité schizoïdes.
  • Le nouveau cadre de la cure comme espace transitionnel: ni l'inconscient ou le ça freudien, ni non plus le "monde interne" kleinien, mais une entité tierce qui se fait sentir aux partenaires du jeu.
  • Une théorie généralisante du non-établissement de la limite dedans-dehors, soi-réalité: Green, clivage, désinvestissement, agirs et somatisation. "Démentalisation": effacement de la distinction freudienne cruciale pour les névroses, représentation/affect. Problème: n'est-ce pas transformer en un mécanisme ou un processus pathogène et spécifique d'indifférenciation ce qui est juste le constat du caractère insuffisant de distinctions classiques en psychanalyse?
D/ Vers un métalangage pragmatiquement médié du vocabulaire des EL

1. L'"affaire" Margaret Little et Winnicott, le contraste avec la cure "classique" avec Ella Sharpe. Quatre concepts implicites dans la pratique de Winnicott (explicités après la cure de M. Little): objet transitionnel, crainte de l'effondrement, faux self ( // personnalité as if) et utilisation de l'analyste. Les problèmes de la rupture de l'asymétrie classique patient/analyste, et le nouveau sens du contre-transfert.

2. L'autocontrôle (Selbstzwang) "informel" de l'intimité avec autrui: le problème de la présence psychique au rôle social (faux self). La naturalisation psychanalytique du soi normal (et les accidents intrapsychiques qui lui arrivent). Les crises de l'individuation-séparation. Retour critique sur le métalangage théorique des EL (Green): une autre idée de la limite.

3. Contexte socio-historique général: la démocratisation fonctionnelle, les rapports hommes/femmes, parents/enfants, médecin (psychologue-psychothérapeute)/patients. Connexion avec les grandes questions sociologiques (morphologie sociale, mutations institutionnelles, division du travail, etc.).
Le "relâchement contrôlé du contrôle" (Wouters et Dunning) et le surmoi freudien, dépassement, réécriture, intégration, alternative?

mardi 28 février 2023

7. Les états-limites selon les psychanalystes: d'un problème "pratico-technique" au développement d'un nouveau type de caractère, considérés en termes socio-pragmatiques, puis éliasiens (1)

Bibliographie préliminaire

J. André & C. Thompson, Transfert et états-limites, Paris, PUF, 2002.

P.-H. Castel, "lnformalisation et vie psychique : un programme de recherche éliasien. La "crise du moi" chez les psychanalystes et les moralistes critiques de la modernité récente, et l’invention de la catégorie d’états-limites", Sociologie politique de Norbert Elias, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2022, p.299-316.

A. Green, "L'analyste, la symbolisation et l'absence dans le cadre analytique", La Folie privée. Psychanalyse des cas-limites, Paris, Gallimard, p.62-102. (Voir l'extrait, p.1et p.2)

K. Rannou-Dubas & B. Gohier, "Les états limites : aspects cliniques et psychopathologiques ou les limites dans tous leurs états", Service de psychiatrie et de psychologie médicale du CHU d'Angers, 2002.

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(Enregistrement de la séance)

A/ Introduction

1. Changer d'époque pour la psychanalyse: les années 1970-1990: le problème des états-limites (personnalités borderline, narcissiques). Un problème pratico-technique: l'insuffisance du "cadre" traditionnel devant certains patients; une controverse virulente. En quel sens les EL (BPD) sont-ils des problèmes "interpersonnels"? L'approche moralisante du caractère borderline (Lasch, Sennett), indice de sa haute significativité sociale et politique.

2. Approche socio-pragmatique: en reprenant le schéma RSU "concret". Plan: décrire ce qu'il faut faire, en pratique (du point de vue de la technique de la cure) pour déployer le vocabulaire des EL; ensuite comment un langage métathéorique psychanalytique s'est constitué afin de rendre compte de ces faits cliniques; puis, par contraste, examiner un second métavocabulaire, pragmatique, lequel permet d'expliciter ce qui est implicite dans les aspects pratiques sous-jacents au vocabulaire des EL (son enracinement socio-historique dans l'histoire des pratiques individualistes-individualisantes); enfin, comparer critiquement les deux métalangages, celui qui est pragmatiquement médié, et celui qui est entièrement internaliste et "métapsychologique".

B/ Les éléments pratico-techniques de la crise du "cadre" traditionnel en psychanalyse

1. Les constats de Green en 1974. Une histoire internaliste du "parallèle" entre théorie et clinique. Les ouverture sur la pratique sociale: nouvelles indications de cure ou mutations  psychiques des individus?

2. Cadre ancien ("contention des personnes") et nouveau '("contention des personnes"): du contenu au contenant de la cure (Bion et Winnicott). Non plus le Père, mais la Mère contenante. De l'asymétrie au jeu dans un espace "transitionnel". Retour sur ma lecture de l'Homme aux rats. 

3. Nature de la controverse entre psychanalystes: les dangers de l'empathie, de l'intersubjectivité, de la symétrisation des places. Un cadre nouveau pour accueillir/spécifier (?) une symptomatologie "nouvelle": les EL. Les patients de Freud et ceux de Federn. Est-ce une hystérie "moderne" (avec des soins maternels carencés)? Une psychose mal diagnostiquée ("larvée", "ordinaire", "blanche", etc.)? Et si les EL étaient l'effet d'erreurs techniques de thérapeutes trop "empathiques"? 

4. Les objections freudo-lacaniennes et leur arrière-fond: une anthropologie morale. Importance de ces controverses: elles pointent vers des valeurs sociales, mais détachées des autres paramètres évolutifs (morphologie sociale, division du travail, institutions politiques, etc.)

mardi 21 février 2023

6. Approcher la paranoïa à partir d'une lecture du modèle RSU : le cas de la clinique française du début XXe siècle (Dylan Guével)

(Enregistrement de la séance)

Introduction : faire travailler le schéma RSU avec la paranoïa, le cas de la clinique française début XXe siècle (Sérieux et Capgras, Dide)

A. Le problème des termes généraux théoriques : comment traiter d’un concept non spécifique à la psychiatrie, celui d’irrationalité ?

1. Deux problèmes : rendre l’irrationalité pertinente dans une description sociologique qui la refuse elle-même – et ainsi ouvrir la lecture pragmatique des déraisons

2. Proposition d’un modèle d’irrationalité qui permet de répondre à ce problème ET de capturer la texture spécifique des descriptions psychiatriques : comment penser les « folies raisonnantes » ? Je propose d’en passer par le désajustement d’attitudes et de motifs qui sont effectivement sources de règles dans l’action, mais ne sont normativement pas les bonnes raisons pour l’action.

B. La description socio-historique : quelles ressources utiliser ?

1. Hypothèse 1 : les psychoses (ici paranoïa) ont pour spécificité de ne se laisser qu’imparfaitement capturer par les descriptions sociales et/ou pratiques (insuffisance V’ – P ?). Dans ce cas, il faut faire une histoire de la construction des ajustements grammaticaux qui permettent de traiter les échecs spécifiques de la psychose (à partir des grammaires quotidiennes de l’échec disponibles à chaque époque ?)

2. Hypothèse 2 : on peut montrer que la paranoïa est un échec socialement rendu possible. Dans ce cas, les contenus socio-historiques pertinents pour décrire la maladie et les actions paranoïaques doivent partager une structure conceptuelle avec la maladie (équivalence formelle de la psychogénèse et de la sociogénèse)

a) Boltanski, Enigmes et complots (hypothèse : irrationalité par les motifs)

b) Hegel, La loi du Cœur  (hypothèse : irrationalité par les attitudes)

C. Une tentative de capturer l’émergence des spécificités de la description de la paranoïa par la clinique française (Sérieux et Capgras, Dide) au niveau des nouvelles formes de l’interaction médecin-malade 

1. Côté Sérieux et Capgras, le repérage d’un mécanisme comme celui de l’interprétation suppose que les médecins ne s’intéressent plus seulement à ce que le malade croit et fait, mais comment le malade croit et fait. Conjonction de la démocratisation fonctionnelle (le malade est de plus en plus un interlocuteur à prendre au sérieux) et surtout d’un nouvel intérêt pour la manière dont la raison se construit au lieu d’être un donné (époque de l’émergence du pragmatisme, du problème des « formes élémentaires » des catégories chez Durkheim…)

2. Côté Dide, la caractérisation du personnage de l’idéalisme passionné suppose d’abord une capacité à interagir de manière intéressée aux doctrines des idéalistes, et donc un nouveau personnage de psychiatre (Dide serait devenu « l’ami » d’un de ses premiers patients idéaliste passionné, ce qui semble corroboré par les descriptions que donne Albert Londres). Mais il faut également de nouveaux rapports subjectifs à ce qu’est un idéal et la manière dont il faut l’incarner ou le soutenir. Importance du rapport moderne à l’universel qui est à réaliser, et par lequel je peux prétendre obliger les autres.

Conclusion : Quel apport de la lecture pragmatiste dans cette histoire de la psychiatrie ? Elle permet, du côté de Sérieux et Capgras, de situer la découverte de « mécanismes » psychologiques dans la clinique (qu’on pourrait alors revaloriser comme exercice). Du côté de Dide, elle pose la question de l’inexistence de catégories cliniques contemporaines qui permettraient de capter des pathologies ne se caractérisant pas par des actions mauvaises ou des croyances incorrectes en elles-mêmes mais par leur insertion problématique dans des contextes sociaux d’action plus généraux (ce n’est pas l’idéal du passionné qui paraît fou, mais la manière dont celui-ci le possède et le pousse à des actions extrêmes).


mardi 17 janvier 2023

5. L'Homme aux rats, un essai de dérivation des concepts psychanalytiques de transfert et de complexe d'Œdipe à partir du dispositif pratique de la cure

 Bibliographie

R. Brandom, "Vers un pragmatisme analytique. L'analyse sens-usage" in Perspectives sur le pragmatisme d'hier et d'aujourd'hui, trad. française, Ithaque, 2022, chapitre 6.

P.-H. Castel, "Ces rats qui nous sortent des yeux comme si nous habitions des tombeaux", version révisée du chapitre 1 de La Fin des coupables, suivi du Cas Paramord, Ithaque, 2012.

S. Freud, "Remarques sur un cas de névrose de contrainte", in OC IX, PUF, 1998.

S. Freud, L'Homme aux rats. Journal d'une analyse, édité par E. et R. Hawelka, PUF, 1974.

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(Enregistrement de l'exposé)

A/ Introduction: le problème de la méthode à suivre

1. La tâche technique complexe de dériver des concepts théoriques de pratiques par la voie pragmatiste "expressive" (i.e. des règles suivies en pratique à leur explicitation-codification comme concepts, catégories, principes, etc.). Instrument: les "relations sens-usage" (RSU) de Brandom, comme "relation de signification pragmatiquement médiée".

2. Différences entre l'emploi de ces RSU chez Brandom et leur application à une enquête de sémantique pragmatiste historique et concrète. Obstacles supplémentaires liés à la situation clinique examinée.

3. Ce qu'on veut élucider en termes de relation de signification pragmatiquement médiée : la connexion entre "transfert" (au singulier) et "complexe d'Œdipe" dans la théorie freudienne, à partir du dispositif effectif de la cure, et comme permettant de spécifier les règles pratiques de conduite de la cure qui font précisément émerger ces notions. Contraste avec l'approche théorique de Freud dans les "Remarques".

B/ Relecture du déroulement de l'interaction: comment Freud et/avec l'Homme aux rats stabilisent-ils la signification du cours des événements?

1. Faire des obstacles au processus (idéalisé) de la cure un moyen d'en révéler la texture (pragmatique) réelle.
  • Révélation de la représentation refoulée et dissolution spontanée de la névrose, ou long travail de deuil?
  • Zerfall ou Spaltung?
  • De la position objectivante en surplomb à l'implication de Freud comme personne "réelle" dans le transfert (comme incarnant le père œdipien): amour et haine comme "principes" universels (impersonnels) et dans le transfert.
2. L'orientation intellectualiste de Freud dans les "Remarques": retour à la théorie du déchiffrement (du rêve) et Œdipe comme "contenu" inconscient ultime. Différences entre sa métapsychologie et l'explicitation de ce qu'il a fait dans la cure (du point d'un métavocabulaire pragmatique).

3. Sur le contexte socio-historique large de l'autocontrainte comme contrainte "psychique": Selbstzwang et Zwangsneurose à l'époque de Lanzer. Perspectives historiques.