vendredi 30 avril 2021

14. La religion: l'absolu approché par sa représentation, spécifiquement dans l'art, et le passage final au Concept

Lectures préalables

G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, chapitre VII, La religion,  GF, p.553-633.

Dans la Bible, la Genèse, ainsi que les Actes des apôtres.

Références

J. Haydn, l'oratorio Die Schöpfung (Hoboken XXI, 2), en particulier le Vorspiel, "Die Vorstellung des Chaos" et le premier récitatif et le choeur "Im Anfang schuf Gott Himmel und Erde".

Goethe, dans les Mémoires, la visite aux statues du musée de Mannheim, notamment sa découverte du Laocoon. Voir ensuite son essai « Sur Laocoon », dans les Écrits sur l'art, GF, 1996.

Pindare, Odes et fragments (voir notamment les fragments conservés des hymnes, et la célèbre Première Pythique). Pour avoir une idée de la musique sacrée et des danses en Grèce ancienne, lors des grands rites, écouter la reconstruction par Annie Bélis et l'ensemble Kerylos d'un hymne delphique à Apollon.

Sur les mystères d'Eleusis, voir l'hymne homérique à Déméter, ainsi que la grande stèle des mystères.

Homère, les deux premiers chants de l'Iliade.

Sophocle, Antigone, Œdipe roi.

Aristophane, Les Nuées.

J.-P. Vernant, L’Individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Gallimard, 1989.

________________

(Enregistrement de l'exposé

Enregistrement du séminaire)

A/ Introduction

1. L'objet spéculatif du chapitre: le mouvement de la substance qui se subjective, complément de celui du sujet qui se donne sa propre substance (comme esprit). Mais l'appréhender du côté de la conscience est encore pris dans la représentation et le jugement (PhE 627). Rappel des deux concepts de l'expérience dans l'Einleitung.

2. Expliciter l'implicite religieux de la notion d'esprit. L'esprit de la pentecôte qui "descend" dans les les consciences individuelles; l'esprit dans la trinité. Le thème du "troisième testament", celui de l'esprit, dans la pensée protestante (PhE 616-617).

3.Un défi pour la lecture: une "déduction" romantique de l'art grec et des fondements théologique du christianisme. Le motif traditionnel des "correspondances" entre les Anciens et les Modernes (les signes du Christ dans l'antiquité). Dans l'approche des Grecs, le moment décisif où l'œuvre d'art se tient "en face" de l'artiste, douée d'une vie propre, d'une réflexivité immanente dans son être même: Goethe et le Laocoon. Pourquoi la "religion absolue" n'est pas encore le "savoir absolu".

B/ La religion naturelle, et sa ressaisie dans l'"architecture libre" du temple classique

Le premier mouvement propre de la substance se révélant: la lumière, "figure de l'infigurité". Haydn et la création. Plantes et animaux: témoignage des découvertes archéologiques en Orient vers 1790-1800.

Le temple comme intégration harmonieuse des motifs orientaux (PhE 568).

  • Le volume parfait
  • La colonne à chapiteau floral
  • Les monstres-ornements (la frise des centaures et des lapithes)
  • Au cœur du temple, le naos: le mouvement du chapitre, c'est d'aller du temple dans l'espace extérieur à la contemplation dans la conscience religieuse interiorisée (PhE 580, 631).
  • Cachée dans le naos, la statue, effigie du dieu en humain.

C/ La religion-art

1. La statue et son statuaire "anonyme": pré-figuration de l'incarnation du Christ. L'artiste n'est pas l'artisan: le moment-clé où l'œuvre se tient en face de la conscience de soi de l'artiste, moment où la substance commence à se subjectiver (PhE 573).

2. Le monde de la cité qui se déploie autour de la statue comme culte collectif: la déduction esthétique de la vie des Grecs: le héro olympique, les hymnes de Pindare, l'épopée homérique et son aède, la tragédie (Œdipe et Antigone), puis la comédie. Pourquoi la comédie (Les Nuées d'Aristophane) a-t-elle une telle  importance? La seule joie de la "conscience malheureuse".

La spiritualisation de la substance dans l'élément de la poésie (l'aède et la Mnémosyne, pré-figuration de l'Er-innerung). Le langage est le Dasein de l'esprit.

3. La limite du monde grec: polythéisme et intuition de l'unité du divin, pressentiment de l'humanité "une", mais absence d'Etat libre. Les allusions de Hegel à la différence entre art antique et art moderne (romantique): Œdipe et Hamlet.

D/ La religion manifeste (i.e. manifeste en soi ou pour nous, mais juste révélée pour la conscience finie)

1. Manifeste et révélé: retour sur la religion à "mystères" (l'orphisme et les rites secrets d'Eleusis). Ce qui subsiste du mystère dans la foi de la conscience malheureuse. Une seconde déduction encore plus audacieuse et même scandaleuse: celle des fondements du christianisme par le truchement du Concept encore caché dans les représentations ferventes de la conscience religieuse croyante.

2. La cycle de la "révélation"-manifestation, de la création du monde à la Passion du Christ. "Dieu est mort", le jugement terrible dont la spéculation doit faire la conclusion d'un syllogisme. Du sacrifice des Anciens à l'auto-sacrifice du Christ. Penser conceptuellement la genèse.

3. Les limites de la religion au moment du passage au "savoir absolu":

  • La conscience religieuse est dans le vrai, mais elle ne sait pas le vrai comme vrai: elle se le représente juste avec ferveur.
  • Elle vit cette ferveur en église, dans une communauté, mais elle ignore encore que cette communauté de reconnaissance réciproque, c'est son propre esprit.
  • Elle reçoit ses vérités dont elle est certaine, mais comme des "grâces", pas avec la pensée, mais avec le "cœur".
  • Elle reste exposé à la dialectique de ses représentations, aux sophismes sur le bien et le mal, au dénombrement quantitatif des personnes de la trinité, et elle attend le royaume du ciel sur la terre sans pouvoir concevoir que le réel est rationnel et le rationnel réel.