mardi 13 avril 2021

13. Le défi moderne de la dénaturation : la conscience peut-elle être autonome et se réconcilier avec la substance ? (P.-F. Mouraud)

 Références

Hegel, Phénoménologie de l’esprit, L'Esprit, section B, III et section C, GF, p.489-552.

J.M. Bernstein, Confession and Forgiveness: Hegel’s Poetics of Action, dans R. Eldridge (éd.), Beyond Representation, Cambridge University Press, 1996, p. 34-65.

J.-F. Kervégan, L’effectif et le rationnel: Hegel et l’esprit objectif, Paris, Vrin, 2007 (notamment « la vérité de la moralité »)

J. Hyppolite, Genèse et structure de la phénoménologie de l’esprit de Hegel, Paris, Aubier, 1946.

J. Granier, « Hegel et la Révolution française », Annales historiques de la Révolution française, vol. 239, nᵒ 1, 1980, p. 1-28.

F. Refoulé, « L’Eglise et le Saint-Esprit chez Luther et dans la théologie catholique ». Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques 48(3), 428-470.  

Schleiermacher, Discours sur la religion.

Goethe, Confessions d’une belle âme.

__________________ 

(Enregistrement de l'exposé

Enregistrement de la discussion)

A/ Introduction : Comment la conscience de soi est-elle refoulée de la substance au risque de la folie ? Est-il possible de réconcilier le subjectivisme absolu du Soi avec son effectivité substantielle historique ?

Point critique du développement de l’Esprit : le mouvement négatif par lequel l’individualité s’avère par la réalité qui s’est étrangée à elle, en vient à se nier lui-même. C’est le moment de la négation de la négation qui permet le passage à la Religion. 

1.     Quels sont les enjeux de la fin du chapitre Esprit ? 

- La subjectivité (le Soi-même) révolutionnaire et post-révolutionnaire : progressive absorption de plus en plus pure de l’en-soi dans le pour-soi.

-        La question de la substance effective : la substance est réduite au savoir de cette substance par la conscience de soi.

-        La critique du romantisme (la belle âme)

-        La place de la moralité dans le débat avec Kant

2.Après la sortie du monastère (Luther) et la Terreur révolutionnaire, où s’inscrit le principe de liberté subjective ?

Le processus de dénaturation-désubstantialisation moderne est tout autant, chez Hegel, le processus d’individualisation avéré par l’étrangement (Entfremdung) de la réalité, que l’immaturité de la substance qui ne peut soutenir le principe de la liberté subjective.

A ce titre, le religieux et le politique sont intimement liés. En effet, seule la dépendance absolue à Dieu peut justifier le principe de liberté (indépendance) individuelle. Dieu est ainsi l’objectivation du concept abstrait d’humanité, selon le modèle de la communauté chrétienne germanique.

B/ Le Soi-même de la culture portée à son point d’aboutissement : la liberté absolue. Heurs et malheurs de la Révolution française selon Hegel.

1.     La Terreur ou la négativité absolue

Toute effectivité est réduite à l’utilité. Dès lors, toute institution historique et sociale n’est créditée que de son utilité, de son être-pour-un-autre. Ce mouvement atteint la « folie du disparaître » car la liberté absolue ne peut agir que négativement (cf la guerre pour les Grecs et la Terreur pour les révolutionnaires).

2.     L’apparition de la volonté universelle

Le contenu positif de la liberté, c’est l’apparition d’une volonté qui est universelle.

 A partir de ce moment-là, la communauté politique est donc complètement libre de toute totalité substantielle. La communauté politique n’est plus liée de la façon immanente à la coutume, elle est libre de toute effectivité substantielle et s’avère précisément dans cet étrangement à l’égard de toute effectivité substantielle.

C/ Du monde conflictuel de la volonté générale et du Soi simple à la certitude morale par l’auto-négation de la liberté absolue : l’autonomie. Comment la moralité est-elle un retournement de la négativité de la subjectivité en une positivité ?

1.     L’autonomie n’est pas la liberté. L’autonomie suppose l’intersection de la subjectivité d’un individu et de l’objectivité d’une norme universelle.

Comment expliquer que la négativité de la Terreur débouche sur l’analyse de la moralité ? L’autonomie n’est pas la liberté : passage du principe unilatéralement négatif de la liberté, au principe effectif de l’autonomie.

2.  Le débat sur l’autonomie à travers la moralité et ses travestissements, les critiques que Hegel adresse à Kant :

-        Formalisme

-        Ineffectivité

-        Dualisme

D/ De l’autonomie kantienne à la conviction morale : Comment la négativité de la subjectivité peut-elle à la fois se retourner en positivité et retrouver la substance ? De la belle âme au pardon du Mal.

1.     La troisième forme de Soi-même : le Soi-même n’est pas simplement la réflexion de la subjectivité d’un individu et de l’objectivité d’une norme universelle. Le Soi-même est la triple réflexion de la subjectivité d’un individu et de l’objectivité d’une norme universelle et de l’objectivité concrète d’un monde factuel.

2.     Qu’est-ce que la belle âme ? entre critique du romantisme et promotion de la chrétienté germanique par son « service divin » (p.539).

3.     La Confession et le Pardon

Le pardon est l’acte de parole qui permet de surmonter la scission qui oppose la subjectivité de la belle âme à la conscience agissante. C’est donc la réconciliation du subjectivisme absolu et de l’effectivité historique (effectivité à la fois universelle et concrète).

Il ne s’agit donc plus simplement d’un Soi, mais d’un Je, parvenu à la reconnaissance réciproque. La communauté des Je – chacun étendu jusqu’à l’unité de la dualité et de l’identité du Je=Je – offre la figure ultime de la reconnaissance réciproque.

E/ Conclusion : une éthicité non plus immédiate mais devenue ? Le fondement divin de la reconnaissance permet de dépasser l’opposition entre la subjectivité universelle et l’objectivité substantielle et historique.

1.     Le manque de l’aliénation

Quelle est la place de l’Esprit face à la Religion et face au Savoir absolu ? L’Esprit est encore objectif (bien que le terme d’Esprit objectif apparaisse plus tard dans l’œuvre de Hegel) parce qu’il n’a pas la force de s’aliéner de lui-même.

2.     Réforme et Révolution

De la conscience malheureuse à la belle âme, la scission subjective est rapportée à la chrétienté. La référence implicite à Luther (à la fin de la « conscience malheureuse ») souligne bien la nécessité de sortir du couvent pour inscrire l’Esprit dans l’ordre temporel et le commentaire de la Révolution montre que cette inscription immanente de l’Esprit suppose le principe moderne de la subjectivité.