mardi 22 janvier 2019

5. La psychanalyse d'enfant comme objet d'une enquête philosophique pragmatiste

Lectures préparatoires

Abram J. & R.D. Hinshelwood, The Clinical Paradigms of Melanie Klein and Donald Winnicott, Routledge, 2018.
Steiner R. & King P., Les Controverses Anna Freud-Melanie Klein : 1941-1945, trad. franç. Presses Universitaires de France, 1996.
Kahn L., Cures d'enfance, Gallimard, 2004.
Geismann C. & Geismann P.,  Histoire de la psychanalyse de l'enfant, Bayard, 2004.
A/ La psychanalyse des enfants : la conception dominante.

1. Une vision médico-psycho-pédagogique inscrite dans les institutions de soin pour les enfants depuis les commencements de la psychanalyse d'enfants. Entre psychiatrie infanto-juvénile, prise en charge des jeunes délinquants et remédiation scolaire.
Un problème pendant: pourquoi cette institutionnalisation, pourquoi chez nous? Poser la question en termes généraux et "anthropologiques" (à la Mauss).

2. La psychanalyse d'enfants et ses adversaires.
  • Le balancement entre l'idéologie morale de l'enfance innocente, et la criminologie de l'enfant "pervers constitutionnel". Le problème social de la fixation du "mal" chez les enfants.
  • La faiblesse des preuves qui articuleraient intrinsèquement les observations sur les enfants à la théorie psychanalytique. Le cas de Bowlby: de la psychanalyse à la psychologie du développement.
  • La contestation du paradigme relationnel radicalisé, la culpabilisation des parents, et la localisation interindividuelle des troubles du développement.
Comment construire cette controverse? Épistémologie, histoire critique des sciences, sociologie de la connaissance. Un point de vue éliassien: la "civilisation" des enfants.

3. L'enfant freudien avant la psychanalyse des enfants.

Avant les années 1890, la psychiatrie de l'enfant n'existe pas. Le problème, ce sont les "idiots".
Le triangle: sexologie de l'enfant ("pervers polymorphe") / théorie darwinienne du développement / schéma œdipien d'individuation-sexuation.
La sexualité infantile en miroir de l'infantilisme de la sexualité adulte. La reconstruction freudienne des symptômes névrotiques à partir des idées de régression, de fixation, et de traumatismes précoces. La névrose "de transfert" comme répétition de l'infantile.
"Le petit Hans", non comme cure de la phobie, mais comme contre-épreuve de la doctrine de l’œdipe.

L'autonomisation de l'individu comme séparation à partir d'une dépendance.

4. L'histoire standard de la psychanalyse des enfants

Trois grands noms : Anna Freud, Melanie Klein, Donald Winnicott.

Malgré la récurrence du schéma médico-psycho-pédagogique, le développement de la psychanalyse d'enfants n'est pas cumulatif. Aucune clinique empirique ne peut trancher les controverses internes entre visions codépendantes de l'enfance et de la psychanalyse. Un paramètre négligé: l'inventivité institutionnelle en psychanalyse des enfants.

Les questions-clés de cette controverse interne à la psychanalyse d'enfants:
  • L'extension de la psychanalyse d'adultes aux enfants comme problème technique. L'enfant n'a pas conscience d'être malade et ne demande pas à être soigné; l'asymétrie sociale avec l'adulte thérapeute est insurmontable; on ne peut se proposer que des objectifs éducatifs et adaptatifs. Mais alors que signifie "interpréter" les conflits archaïques pré-œdipiens?
  • Si le transfert est répétition de l'infantile, de quel transfert les enfants sont-ils capables?
  • L'enfant "sans mots" et ses expressions de mal-être: le jeu, le dessin, etc., comme équivalents des associations libres des adultes, et voués à un déchiffrage, ou comme communication immédiate?
  • Un renversement latent: la psychanalyse d'adulte comme extension de la psychanalyse d'enfant.
  • Le problème de la préfiguration de la personne (de l'individu autonome censé advenir) dans l'enfant: y a-t-il un noyau d'identité (ego) séparée à l'origine, et radicalement en conflit avec le dehors? Ou bien le soi (self) de l'enfant ne peut-il émerger que d'une relation favorable à ceux qui prennent soin de lui?
B/ La psychanalyse des enfants comme objet d'une enquête pragmatiste d'anthropologie philosophique

1. Ce que cela exclut.
  • Une épistémologie de la psychanalyse qui la traite comme un corpus théorique obéissant ou non à des normes de scientificité préétablies. A contrario, l'idée d'enquête selon Dewey.
  • La sociologie courante de la psychanalyse, comme sous-domaine spécialisé de la sociologie des professions, ou des croyances, ou de la santé mentale.
2. Ce que cela implique.
  • Une approche anthropologique-comparative des réponses aux crises de la "socialisation primaire" des enfants. La fixation du mal-être, enjeu, dans toute société humaine, du traitement de l'infortune, du malheur, du mal en général.
  • Les concepts mobilisés pour la comparaison ne sont pas simplement des concepts structuraux communs; ils doivent exprimer-expliciter dans leur logique (leurs inférences) et leurs catégories ce qui restait implicite dans les pratiques rituelles thérapeutiques.
  • La pierre de touche de l'entreprise est de reconstituer l"idéologie" psychanalytique comme un système de croyances élaborées sur la base de pratiques concrètes, mais en récupérant aussi ses tensions et controverses caractéristiques.
  • Partir des jeux et des dessins comme dispositifs socialisants. Le privilège reconnu à Winnicott.
  • Les concepts psychanalytiques ainsi reconstruits sur des bases pragmatistes ne sont opératoires que si l'on s'y reconnaît réflexivementLe chamane et le psychanalyste confrontés à une objectivation anthropologique de leurs pratiques, et la question de leur "foi" dans ce qu'ils font.