jeudi 25 novembre 2021

3. Comment sortir le pragmatisme de l'impasse instrumentaliste? Le cheminement de Brandom vers un pragmatisme "rationaliste" (Dewey s'en retourne dans sa tombe!)

Lectures préalables

R. Brandom, "Introduction", in Perspectives sur le pragmatisme d'hier et d'aujourd'hui, trad. franç. inédite par le Groupe de travail Brandom.

L. Clavier, « La réception du pragmatisme par Durkheim ou le refus de la sécularisation du vrai », Recherches en éducation, n°5, 2008.

Lectures de fond

R. Brandom, Rendre explicite I, trad. française, Cerf, 2010, section I. à V., p.57-147.

R. Brandom, La Raison en philosophie, trad. française, Ithaque, 2021, chap. III,  p.89-121.

É. Durkheim, Pragmatisme et sociologie, Vrin, 2001.

Voir aussi la récente polémique entre P. Engel et S. Laugier, dans Le Monde puis Libération, sur la vérité-adéquation aux faits.

______________

(Enregistrement de l'exposé)

Peirce: "Consider what effects, that might conceivably have practical bearings, we conceive the object of our conception to have. Then, our conception of these effects is the whole of our conception of the object." dans "How to Make Our Ideas Clear", Popular Science Monthly, 1878, n°12, p.293 (Menand, p.36).

A/ Introduction: enjeux de la reconstruction brandomienne de l'histoire du pragmatisme.

1. Sa bizarrerie: postuler un pragmatisme "fondamental" avant l'instrumental de James et Dewey. Ce que fait Brandom: il s'applique sa propre méthode ("clarifier rétrospectivement et découvrir prospectivement"), mais en assignant au pragmatisme une finalité inédite: l'(auto-) explication de la raison, ou l'auto-nomie.

2. But grandiose qui contraste avec la réduction triviale (Schiller: "le vrai, c'est ce qui marche", c'est ce qui utile en pratique). L'opération-clé de Brandom: non pas à quoi le langage (la raison) est utile, mais comment on l'utilise (son usage). Note sur l'histoire conceptuelle.

3. La critique durkheimienne du pragmatisme de James. Dans quelle mesure la réécriture par Brandom du pragmatisme pare-t-elle aux objections de Durkheim?

4. Toutefois, tension qui subsiste: pour conserver l'étiquette "pragmatisme", il faut rester naturaliste, mais pour relancer le projet rationaliste de l'idéalisme allemand, il faut spécifier comment l'explosion du normatif, de l'autonomie, se produit (soit "l'effet de levier").

B/ Sauver l'instrumentalisme de lui-même

1. Rappel sur les règles et les normes (conceptuelles): le fondement des règles explicites est dans les normes suivies implicitement en pratique. Wittgenstein, puis Kant sur le jugement. Stupidité et autisme.

2. Resserrer la discussion sur l'intentionnalité cognitive: le know-how avant le know that. La contrainte continuiste héritée du naturalisme: R. Millikan et le succès adaptatif au sens évolutionnaire.

3. Première subversion: la maxime pragmatiste porte non sur la vérité, mais sur le sens: le savoir-faire-sens. Comment les gens qui croient quelque chose (et on croit toujours ce que ce qu'on croit est vrai) peuvent-ils être tenus par les autres comme croyant ce qu'ils croient? Que doivent-ils faire, et de quel savoir-faire ont-ils besoin?

4. De la croyance psychologique à une attitude doxastique normative (croire, c'est devoir croire à ce qu'on croit, mais aussi à ses conséquences, et aussi en repérant leurs incompatibilités): le Fürwahrhalten kantien (tenir-pour-vrai). Know-how et know that // usage (utilisation et pas utilité) et sens (ou contenu conceptuel).

5. L'instrumentalisme sauvé de lui-même: comme holisme fonctionnaliste compréhensif.

Penser l'intentionnalité cognitive (le savoir-faire-sens évalué publiquement comme un pratique) en termes de rôles fonctionnels dans un processus expérientiel. Cycle TOTE et Erfahrung naturalisée. L'idée de "friction" objectivante parce que faillibiliste: co-évolution des normes et de ce que (l'objet objectif) les normes permettent d'évaluer.

Le quadrille final: attribuer de dicto des engagements/les reconnaître de re + clarifier rétrospectivement/découvrir prospectivement comme interprétation pragmatiste de l'expérience au sens de Hegel.

C/ Le "lingualisme faible", étape cruciale vers le pragmatisme rationaliste.

1. Les pragmatistes et la logique après Peirce: une voie de garage. La lente reconquête d'une réarticulation du langage ordinaire à la logique symbolique (via la "grammaire des concepts" de Wittgenstein). Une pragmatique anthropologique de l'usage du langage ordinaire/naturel vs une théorie mathématique des langages artificiels = une théorie qui part des règles d'usage et en dérive les significations, vs une théorie qui part des significations et y ajoute des règles d'usage. Quine vs Carnap.

2. Le lingualisme n'est pas le rationalisme (classique): c'est l’engagement à comprendre les capacités conceptuelles (la discursivité en général) en termes de capacités linguistiques (Dummett: juger-asserter, c'est l'intériorisation d'une pratique publique, perspectiviste et communautaire, donc sociale). Le lingualisme fort (nécessaire) et le faible (suffisant). C'est le fonctionnalisme lingualiste qui sert de guide pour penser le/la logique à partir de la pragmatique l'assertion (claiming): quel rôle jouent les assertions (et du coup leurs composants: prédicats, variables, quantificateurs, etc.)

3. Précision du fonctionnement conceptuel du quadrille (fin du §.IV)

D/ Conclusion et remarques sur l'équivoque de la démarche de Brandom

Retour final à l'ambition naturaliste: démarcation, émergence et effet de levier. L'émergence juste pour s'opposer à Descartes? L'effet de levier produit-il une authentique socio-histoire de la connaissance, ou une simple complexification? La démarcation linguistique/non-linguistique comme question centrale: le linguistique "pur" recentré sur le jeu de langage privilégié de demander et donner des raisons. En quel sens le problème de l'émergence naturaliste ne préempte-t-il pas la question de la modernité de la raison (de son autonomie)? Rappel de l'analyse de Lumières (in Rendre explicite): primat des attitudes sur les statuts. Emergence + effet de levier ou histoire, il faut choisir.

Un point névralgique: Brandom considère l'acte de discours (speech act) de l'assertion comme une certaine sorte de "faire", de pratique. Mais un acte en ce sens précis est-il une action? Linguistique pragmatique et philosophie pragmatiste; rien sur Searle.

samedi 13 novembre 2021

2. Un pragmatisme rationaliste parce que normatif et social: ce que Brandom est allé chercher (en fouillant bien) chez Kant et Hegel

Lectures préalables

R. Brandom, "Introduction", in Perspectives sur le pragmatisme d'hier et d'aujourd'hui, trad. franç. inédite par le Groupe de travail Brandom.

R. Brandom, "Introduction", in La Raison en philosophie. Donner vie aux idées, trad. franç. par le Groupe de travail Brandom, Ithaque, 2020, p.9-33.

Lectures de fond

J.-P. Cometti, Qu'est-ce que le Pragmatisme? Gallimard, 2010

L. Menand, Pragmatism. A Reader, Vintage books, 1997.

_______________

(Enregistrement de l'exposé)

(Enregistrement du séminaire et de la discussion)

Peirce: "Consider what effects, that might conceivably have practical bearings, we conceive the object of our conception to have. Then, our conception of these effects is the whole of our conception of the object." dans "How to Make Our Ideas Clear", Popular Science Monthly, 1878, n°12, p.293 (Menand, p.36).

A/ Introduction: la difficile relation du pragmatisme à Kant et Hegel

Ce qu'il y a de surprenant dans une référence à l'idéalisme allemand dans le cadre "analytique". Sellars et la particularité de la philosophie "analytique" américaine.

1. Des incompatibilités évidentes entre le pragmatisme classique et l'idéalisme allemand (un système clos, fondationnaliste, intellectualiste et non-faillibiliste). Peirce contre la logique aristotélicienne, et donc contre Kant.

2. Quelques points de recouvrement? Rationalisme critique orienté par la science, historicité de l'expérience. Comment rendre compatible anti-scepticisme et faillibilisme?

B/ L'entrée normative dans le jugement kantien, et ses extensions croissantes (Hegel, Frege, Wittgenstein): PoP § I

1. "Penser c'est juger" comme phénomène normatif: commitment et entitlement.

2. Le concept comme "règle" (l'entendement kantien comme "faculté des règles"). Nécessité kantienne vs certitude cartésienne. La "pro-position" comme rupture avec l'ancienne architecture de la pensée (termes, jugements, syllogismes).

3 Le statut de l'aperception transcendantale (le "Je pense" kantien) chez Brandom: toujours déjà social-historique. Ouvertures sur Wittgenstein et Frege.

4. Le renversement décisif: que le contenu conceptuel dépend fonctionnellement de ce qu'on fait en jugeant. Un "faire" originaire, pragmatique (une "force" à la Frege déterminant les contenus): ses perspectives implicites pour une histoire substantielle de la vérité, de la raison objective.

C/ Du naturalisme empiriste des pragmatistes à la question du représentationnisme: PoP § II et III

1. En quel sens Hegel est-il "naturalisé" par les pragmatistes américains? L'évolution absolutisée en devenir pur.

2. Une résistance "scientiste" de Brandom: penser les conditions sociopolitiques du pragmatisme américain. Menand, la Guerre de sécession et le Metaphysical Club.

3. "Habitudes des choses" et habitudes cognitives. Le problème des causes et des raisons et de leur mise en continuité (de l'animal à l'astrophysicien).

4. Du naturalisme subjectif à l'anti-représentationnisme au niveau personnel (mais pas subpersonnel: les "représentations" dans les sciences cognitives). In fine, nous sommes nos normes, pas ce que causent nos "représentations" subpersonnelles.


mardi 2 novembre 2021

1. Philosophie "et" sciences sociales: pourquoi Brandom?

Lectures préalables

R. Brandom, "Introduction", in Perspectives sur le pragmatisme d'hier et d'aujourd'hui, trad. franç. inédite par le Groupe de travail Brandom.

R. Brandom, "Introduction", in La Raison en philosophie. Donner vie aux idées, trad. franç. par le Groupe de travail Brandom, Ithaque, 2020, p.9-33.

S. Laugier & S. Plaud (dir.), Lectures de la philosophie analytique, Ellipses, 2011, chapitre 10 "Après le pragmatisme", notamment la section 4., "Robert B. Brandom: rendre l'autonomie explicite", de F. Callegaro, p.576-598.

Lectures de fond

P. Winch, L'Idée d'une science sociale et sa relation à la philosophie, trad. franç. par M. Le Du, Gallimard, 2009.

B. Karsenti, "Introduction", in D'une Philosophie à l'autre. Les sciences sociales et la politique des modernes, Gallimard, 2013.

________________

(Enregistrement de la séance)

A/ Principes du séminaire

Le genre de pari philosophie que constitue la lecture d'un philosophe contemporain (la raison "actuelle" et le motif hégélien du "besoin de philosophie" dans sa forme propre à la modernité).

B/ Contexte général: philosophe "des" sciences sociales vs. philosophie "et" sciences sociales"

1. La revendication des sciences sociales à être précisément les sciences réflexives nées de l'émergence la modernité et pour elle (Comte). Désencastrement de l'économie et mutation des sensibilités (Marx et Balzac).

2. Si ce sont des sciences, elles méritent une épistémologie. La philosophie des sciences sociales mainstream: un modèle de scientificité inspiré des sciences de la nature.

  • Le social comme objet particulier, et non comme milieu réflexif.
  • Les sciences de référence: l'économie et la psychologie (cognitive)
  • L'ambition naturalisante, l'individualisme méthodologique

3. Quelques affinités essentielles de la philosophie analytique avec l'épistémologie des sciences sociales

  • Logicisme et sémantique "représentationniste"
  • La naturalisation de l'intentionnalité
  • La philosophie scientifique ("sérieuse") est-elle autre chose que la "servante" des sciences cognitives?
  • Les controverses autour de Wittgenstein, et l'importance particulière de Winch.
  • Des sciences sociales naturalisées sont-elles de meilleurs sciences, ou pas des sciences sociales du tout? Leurs références: Durkheim et Mauss, Weber, Elias? Le problème d'une philosophie alternative des sciences sociales (B. Karsenti)

4. Remarques sur la philosophie analytique (le "sérieux scientifique"). Le professionnalisme et ses institutions, l'anti-relativisme objectiviste, l'anhistoricité revendiquée, l'hétérogénéité entre normes sociales et normes de raison. Toute alternative à ce dispositif implique politisation.

C/ Pourquoi Brandom?

1. En quoi la question de la philosophe et/des sciences sociales est-elle centrale aujourd'hui pour la philosophie? Comme interrogation sur l'intelligence réflexive de la raison moderne. L'alternative: philosophie sociale normative et philosophie de l'esprit holiste (l'Ecole de Francfort, le pragmatisme américain).

2. Les problèmes considérables d'un alternative philosophique cohérente, qui articule autrement philosophie et sciences sociales.

  • Une "autre" philosophie du langage et de la logique, non logiciste et non représentationniste?
  • Pas un départ abstraitement pris dans le "social", mais un caractère substantiellement "social" de la philosophie de l'esprit (de la connaissance et de l''action)
  • De même, un rapport substantiel, organique entre conceptualisation philosophique et conceptualisation dans les sciences sociales.
  • Une philosophie qui réfléchit en son sein sa propre impulsion historique, le "besoin" du temps. Autonomisation (réflexive et collective) et modernité, et non naturalisation généralisée.

3. Brandom, promoteur d'un programme philosophique congruent avec ces attentes.

  • La Raison en philosophie et Perspectives sur le pragmatisme, "entre" Rendre explicite et L'esprit de la confiance.
  • Se situer dans la modernité: les Lumières, et la précédence des attitudes sur les statuts (ex: de la reconnaissance sur l'autorité). Le moment hégélien assumé par le pragmatisme.
  • Le noyau spéculatif de la philosophie de Brandom: un lien essentiel entre une pragmatique normative et une sémantique inférentialiste
  • Conclusion: lire l'œuvre de Brandom du point de vue d'une philosophie des sciences sociales encore à venir.


mardi 15 juin 2021

Philosophie et sciences sociales, programme 2021-2022

Ce séminaire propose d'explorer l'œuvre du philosophe américain Robert Brandom en confrontant deux de ses recueils d'articles, La Raison en philosophie (trad. franç. Ithaque 2021) et Perspectives sur le pragmatisme (une traduction actuellement en cours sera distribuée aux participants).

Le but est d'élucider dans quelle mesure le pragmatisme spécifiquement rationaliste de Brandom  (et rationaliste au sens de la tradition analytique en philosophie) se démarque de celui de Putnam, et  surtout de Rorty. Toutefois l'accent sera essentiellement mis sur la contribution de Brandom à l'articulation contemporaine entre philosophie de l'esprit, philosophie sociale, philosophie politique, et sciences sociales. Diverses confrontations sont prévues avec Habermas et Descombes.


lundi 17 mai 2021

15. Du savoir absolu au non-commencement (Préface) du cercle spéculatif: processus, résultat et réflexivité totalisante selon Hegel

Lectures préalables

G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, chapitre VIII, Le savoir absolu, GF, p.635-652, et la Préface, GF, p.57-111.

Référence

J.-F. Kervegan, "Le savoir absolu", à paraître.

________________

(Enregistrement de l'exposé

Enregistrement de la discussion, mot de passe &e4qA?xB)

A/ Introduction

Ce que n'est pas le savoir absolu: l'omniscience divine comme on se la représente (Par ex; Leibniz). Pas un contenu (un savoir-chose infini), mais la forme réflexivement pure du savoir (le "pur" savoir, à la Fichte). Néanmoins, ce n'est pas un savoir "formel", ou c'est le passage à la logique non pas "formelle", mais au contraire qui vaut pour tous les contenus de pensée (tous les contenus de la conscience de soi réflexive, laquelle sait tout objet). Paradoxes de cet absolu: 

  • Il est ce qui advient quant tout est relatif à tout (relatif: au sens de la médiation/détermination nécessaire), soit quand la raison s'est déployée dans son entièreté.
  • Il est à la fois infiniment "plein" et "vide" (pour la représentation, immédiatement, c'est déjà l'identité de l'être et du néant au départ de la Logique, pour l'esprit, c'est le temps vide en attente de son remplissement par l'histoire).

Le défi: penser par delà la représentation (le jugement) dans l'élément du Concept (du syllogisme). Le problème du holisme: non seulement tout tient à tout (et cela est le Vrai), mais le concevoir (et la figure ultime de l'esprit qui pense le tout) est aussi un moment du tout. Remarque sur Mauss.

Donc on ne peut pas "commencer" dans ce cercle (p. 109-110). Comment se boucle alors le dernier chapitre sur la préface?

B/ En partant de la fin: commentaire du chapitre VIII

1. Que signifie pour l'esprit de "surmonter sa conscience" (p.635)? Le chapitre final est une remémoration des figures précédentes pensées chacune désormais en tant que moments du Tout. Phénoménologie de l'esprit et Logique (p.649). L'esprit absolu, c'est l'esprit se remémorant toutes ses figures (le savoir absolu n'est donc pas une étape supplémentaire, c'est leur sommation réflexive conçue comme telle).

2. Vers l'identité de la substance et du sujet: la référence implicite au cogito cartésien comme figure initiale de la Chose = Je. Qu'est-ce qui est pensé au juste au-delà de la religion? La science, et non plus l'amour de la science (philo-sophie).  

3. La "patience du Concept" et la théorie du temps. Le primat de l'histoire sur la nature, et surtout sur la Naturphilosophie). En quoi cette histoire est-elle "universelle" (p.77)? Le moment de la contingence, et le lent devenir-nécessaire de la contingence. Pas de résultat sans le processus effectif.

4. Les derniers mots et le retour métaphorique à la religion: le "vendredi saint" spéculatif, sacrifice et parousie.

C/ En partant du début: remarques sur la préface

1. Pas de résultat sans le processus: l'objection sceptique contre les multiples systèmes philosophiques qui s'entre-détruisent, et la patience du Concept.

2. Nous vivons une époque décisive (et un temps de décision philosophique est venu). Contre Jacobi: un dogmatisme du sentiment de l'absolu, qui s'ignore. Il a pour contrepartie la pensée terre à terre de l'utile. Contre Schelling et la Naturphilosophie.

3. L'échec à penser le Concept comme paradoxal "devenir de lui-même", c'est l'échec à penser l'identité qui se "reconstitue" (p.69): qui peréxiste, qui (se) totalise avec insistance, et qui revient à soi dans sa mémoire propre, intégratrice. Le Vrai est le Tout (la réflexion lui est immanente), la substance est le sujet.

Comparer avec la formule finale du savoir absolu: l'objet de la conscience est devenu pur objet de la conscience de soi (c'est-à-dire objet aboli), et c'est cela le Concept (p. 645).

Est-ce un expressivisme ou un hylémorphisme? La forme comme "devenir natif" du contenu concret (p.99)?

4. Le concept de détermination: connaître, c'est se connaître dans l'être-autre absolu (p.74). C'est cela l'élément de la conscience et de l'expérience rationnelle. Phénoménologie de l'esprit et Logique de ce point de vue.

5. Le rejet de l'exposé mathématique (more geometrico) et l'organicité du Vrai. Ce n'est pas a contrario un choix du "langage ordinaire": quelles torsions le point de vue spéculatif impose-t-il à la langue, du point de vue du Vrai-Tout?

Contre la poésie métaphorique qui applique partout le même schéma d'identité (Schelling): il faut inscrire la tension du paradoxe à même les représentations finies (le bon usage du jugement infini) et à nouveau réunir la dialectique et la preuve (p.105).

D/ Conclusion: Hegel et la pensée sociale holiste comme problème fondamental de la modernité, comme sens moderne de la raison réflexive

vendredi 30 avril 2021

14. La religion: l'absolu approché par sa représentation, spécifiquement dans l'art, et le passage final au Concept

Lectures préalables

G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, chapitre VII, La religion,  GF, p.553-633.

Dans la Bible, la Genèse, ainsi que les Actes des apôtres.

Références

J. Haydn, l'oratorio Die Schöpfung (Hoboken XXI, 2), en particulier le Vorspiel, "Die Vorstellung des Chaos" et le premier récitatif et le choeur "Im Anfang schuf Gott Himmel und Erde".

Goethe, dans les Mémoires, la visite aux statues du musée de Mannheim, notamment sa découverte du Laocoon. Voir ensuite son essai « Sur Laocoon », dans les Écrits sur l'art, GF, 1996.

Pindare, Odes et fragments (voir notamment les fragments conservés des hymnes, et la célèbre Première Pythique). Pour avoir une idée de la musique sacrée et des danses en Grèce ancienne, lors des grands rites, écouter la reconstruction par Annie Bélis et l'ensemble Kerylos d'un hymne delphique à Apollon.

Sur les mystères d'Eleusis, voir l'hymne homérique à Déméter, ainsi que la grande stèle des mystères.

Homère, les deux premiers chants de l'Iliade.

Sophocle, Antigone, Œdipe roi.

Aristophane, Les Nuées.

J.-P. Vernant, L’Individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Gallimard, 1989.

________________

(Enregistrement de l'exposé

Enregistrement du séminaire)

A/ Introduction

1. L'objet spéculatif du chapitre: le mouvement de la substance qui se subjective, complément de celui du sujet qui se donne sa propre substance (comme esprit). Mais l'appréhender du côté de la conscience est encore pris dans la représentation et le jugement (PhE 627). Rappel des deux concepts de l'expérience dans l'Einleitung.

2. Expliciter l'implicite religieux de la notion d'esprit. L'esprit de la pentecôte qui "descend" dans les les consciences individuelles; l'esprit dans la trinité. Le thème du "troisième testament", celui de l'esprit, dans la pensée protestante (PhE 616-617).

3.Un défi pour la lecture: une "déduction" romantique de l'art grec et des fondements théologique du christianisme. Le motif traditionnel des "correspondances" entre les Anciens et les Modernes (les signes du Christ dans l'antiquité). Dans l'approche des Grecs, le moment décisif où l'œuvre d'art se tient "en face" de l'artiste, douée d'une vie propre, d'une réflexivité immanente dans son être même: Goethe et le Laocoon. Pourquoi la "religion absolue" n'est pas encore le "savoir absolu".

B/ La religion naturelle, et sa ressaisie dans l'"architecture libre" du temple classique

Le premier mouvement propre de la substance se révélant: la lumière, "figure de l'infigurité". Haydn et la création. Plantes et animaux: témoignage des découvertes archéologiques en Orient vers 1790-1800.

Le temple comme intégration harmonieuse des motifs orientaux (PhE 568).

  • Le volume parfait
  • La colonne à chapiteau floral
  • Les monstres-ornements (la frise des centaures et des lapithes)
  • Au cœur du temple, le naos: le mouvement du chapitre, c'est d'aller du temple dans l'espace extérieur à la contemplation dans la conscience religieuse interiorisée (PhE 580, 631).
  • Cachée dans le naos, la statue, effigie du dieu en humain.

C/ La religion-art

1. La statue et son statuaire "anonyme": pré-figuration de l'incarnation du Christ. L'artiste n'est pas l'artisan: le moment-clé où l'œuvre se tient en face de la conscience de soi de l'artiste, moment où la substance commence à se subjectiver (PhE 573).

2. Le monde de la cité qui se déploie autour de la statue comme culte collectif: la déduction esthétique de la vie des Grecs: le héro olympique, les hymnes de Pindare, l'épopée homérique et son aède, la tragédie (Œdipe et Antigone), puis la comédie. Pourquoi la comédie (Les Nuées d'Aristophane) a-t-elle une telle  importance? La seule joie de la "conscience malheureuse".

La spiritualisation de la substance dans l'élément de la poésie (l'aède et la Mnémosyne, pré-figuration de l'Er-innerung). Le langage est le Dasein de l'esprit.

3. La limite du monde grec: polythéisme et intuition de l'unité du divin, pressentiment de l'humanité "une", mais absence d'Etat libre. Les allusions de Hegel à la différence entre art antique et art moderne (romantique): Œdipe et Hamlet.

D/ La religion manifeste (i.e. manifeste en soi ou pour nous, mais juste révélée pour la conscience finie)

1. Manifeste et révélé: retour sur la religion à "mystères" (l'orphisme et les rites secrets d'Eleusis). Ce qui subsiste du mystère dans la foi de la conscience malheureuse. Une seconde déduction encore plus audacieuse et même scandaleuse: celle des fondements du christianisme par le truchement du Concept encore caché dans les représentations ferventes de la conscience religieuse croyante.

2. La cycle de la "révélation"-manifestation, de la création du monde à la Passion du Christ. "Dieu est mort", le jugement terrible dont la spéculation doit faire la conclusion d'un syllogisme. Du sacrifice des Anciens à l'auto-sacrifice du Christ. Penser conceptuellement la genèse.

3. Les limites de la religion au moment du passage au "savoir absolu":

  • La conscience religieuse est dans le vrai, mais elle ne sait pas le vrai comme vrai: elle se le représente juste avec ferveur.
  • Elle vit cette ferveur en église, dans une communauté, mais elle ignore encore que cette communauté de reconnaissance réciproque, c'est son propre esprit.
  • Elle reçoit ses vérités dont elle est certaine, mais comme des "grâces", pas avec la pensée, mais avec le "cœur".
  • Elle reste exposé à la dialectique de ses représentations, aux sophismes sur le bien et le mal, au dénombrement quantitatif des personnes de la trinité, et elle attend le royaume du ciel sur la terre sans pouvoir concevoir que le réel est rationnel et le rationnel réel.

mardi 13 avril 2021

13. Le défi moderne de la dénaturation : la conscience peut-elle être autonome et se réconcilier avec la substance ? (P.-F. Mouraud)

 Références

Hegel, Phénoménologie de l’esprit, L'Esprit, section B, III et section C, GF, p.489-552.

J.M. Bernstein, Confession and Forgiveness: Hegel’s Poetics of Action, dans R. Eldridge (éd.), Beyond Representation, Cambridge University Press, 1996, p. 34-65.

J.-F. Kervégan, L’effectif et le rationnel: Hegel et l’esprit objectif, Paris, Vrin, 2007 (notamment « la vérité de la moralité »)

J. Hyppolite, Genèse et structure de la phénoménologie de l’esprit de Hegel, Paris, Aubier, 1946.

J. Granier, « Hegel et la Révolution française », Annales historiques de la Révolution française, vol. 239, nᵒ 1, 1980, p. 1-28.

F. Refoulé, « L’Eglise et le Saint-Esprit chez Luther et dans la théologie catholique ». Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques 48(3), 428-470.  

Schleiermacher, Discours sur la religion.

Goethe, Confessions d’une belle âme.

__________________ 

(Enregistrement de l'exposé

Enregistrement de la discussion)

A/ Introduction : Comment la conscience de soi est-elle refoulée de la substance au risque de la folie ? Est-il possible de réconcilier le subjectivisme absolu du Soi avec son effectivité substantielle historique ?

Point critique du développement de l’Esprit : le mouvement négatif par lequel l’individualité s’avère par la réalité qui s’est étrangée à elle, en vient à se nier lui-même. C’est le moment de la négation de la négation qui permet le passage à la Religion. 

1.     Quels sont les enjeux de la fin du chapitre Esprit ? 

- La subjectivité (le Soi-même) révolutionnaire et post-révolutionnaire : progressive absorption de plus en plus pure de l’en-soi dans le pour-soi.

-        La question de la substance effective : la substance est réduite au savoir de cette substance par la conscience de soi.

-        La critique du romantisme (la belle âme)

-        La place de la moralité dans le débat avec Kant

2.Après la sortie du monastère (Luther) et la Terreur révolutionnaire, où s’inscrit le principe de liberté subjective ?

Le processus de dénaturation-désubstantialisation moderne est tout autant, chez Hegel, le processus d’individualisation avéré par l’étrangement (Entfremdung) de la réalité, que l’immaturité de la substance qui ne peut soutenir le principe de la liberté subjective.

A ce titre, le religieux et le politique sont intimement liés. En effet, seule la dépendance absolue à Dieu peut justifier le principe de liberté (indépendance) individuelle. Dieu est ainsi l’objectivation du concept abstrait d’humanité, selon le modèle de la communauté chrétienne germanique.

B/ Le Soi-même de la culture portée à son point d’aboutissement : la liberté absolue. Heurs et malheurs de la Révolution française selon Hegel.

1.     La Terreur ou la négativité absolue

Toute effectivité est réduite à l’utilité. Dès lors, toute institution historique et sociale n’est créditée que de son utilité, de son être-pour-un-autre. Ce mouvement atteint la « folie du disparaître » car la liberté absolue ne peut agir que négativement (cf la guerre pour les Grecs et la Terreur pour les révolutionnaires).

2.     L’apparition de la volonté universelle

Le contenu positif de la liberté, c’est l’apparition d’une volonté qui est universelle.

 A partir de ce moment-là, la communauté politique est donc complètement libre de toute totalité substantielle. La communauté politique n’est plus liée de la façon immanente à la coutume, elle est libre de toute effectivité substantielle et s’avère précisément dans cet étrangement à l’égard de toute effectivité substantielle.

C/ Du monde conflictuel de la volonté générale et du Soi simple à la certitude morale par l’auto-négation de la liberté absolue : l’autonomie. Comment la moralité est-elle un retournement de la négativité de la subjectivité en une positivité ?

1.     L’autonomie n’est pas la liberté. L’autonomie suppose l’intersection de la subjectivité d’un individu et de l’objectivité d’une norme universelle.

Comment expliquer que la négativité de la Terreur débouche sur l’analyse de la moralité ? L’autonomie n’est pas la liberté : passage du principe unilatéralement négatif de la liberté, au principe effectif de l’autonomie.

2.  Le débat sur l’autonomie à travers la moralité et ses travestissements, les critiques que Hegel adresse à Kant :

-        Formalisme

-        Ineffectivité

-        Dualisme

D/ De l’autonomie kantienne à la conviction morale : Comment la négativité de la subjectivité peut-elle à la fois se retourner en positivité et retrouver la substance ? De la belle âme au pardon du Mal.

1.     La troisième forme de Soi-même : le Soi-même n’est pas simplement la réflexion de la subjectivité d’un individu et de l’objectivité d’une norme universelle. Le Soi-même est la triple réflexion de la subjectivité d’un individu et de l’objectivité d’une norme universelle et de l’objectivité concrète d’un monde factuel.

2.     Qu’est-ce que la belle âme ? entre critique du romantisme et promotion de la chrétienté germanique par son « service divin » (p.539).

3.     La Confession et le Pardon

Le pardon est l’acte de parole qui permet de surmonter la scission qui oppose la subjectivité de la belle âme à la conscience agissante. C’est donc la réconciliation du subjectivisme absolu et de l’effectivité historique (effectivité à la fois universelle et concrète).

Il ne s’agit donc plus simplement d’un Soi, mais d’un Je, parvenu à la reconnaissance réciproque. La communauté des Je – chacun étendu jusqu’à l’unité de la dualité et de l’identité du Je=Je – offre la figure ultime de la reconnaissance réciproque.

E/ Conclusion : une éthicité non plus immédiate mais devenue ? Le fondement divin de la reconnaissance permet de dépasser l’opposition entre la subjectivité universelle et l’objectivité substantielle et historique.

1.     Le manque de l’aliénation

Quelle est la place de l’Esprit face à la Religion et face au Savoir absolu ? L’Esprit est encore objectif (bien que le terme d’Esprit objectif apparaisse plus tard dans l’œuvre de Hegel) parce qu’il n’a pas la force de s’aliéner de lui-même.

2.     Réforme et Révolution

De la conscience malheureuse à la belle âme, la scission subjective est rapportée à la chrétienté. La référence implicite à Luther (à la fin de la « conscience malheureuse ») souligne bien la nécessité de sortir du couvent pour inscrire l’Esprit dans l’ordre temporel et le commentaire de la Révolution montre que cette inscription immanente de l’Esprit suppose le principe moderne de la subjectivité.

lundi 15 mars 2021

12. La culture et l'intelligence des Lumières: Hegel devant le vertige de la négation moderne de la substantialité-naturalité du monde social

 Lectures préalables

Hegel, Phénoménologie de l’esprit, L'Esprit, section B, I et II, GF, p.416-488.

R. Legros, "Les Lumières dans la Phénoménologie de l'Esprit", Revue germanique internationale n°24, 2016, p.57-86.

Références

D'Holbach, "Prêtres" dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.

Diderot, Le Neveu de Rameau.

Moses Mendelssohn / Emmanuel Kant, Qu'est-ce que les Lumières ? Mille et une nuits, 2006.

Martial, Epigrammes.

Voltaire, "Prière à Dieu" dans le Traité sur la tolérance, chap. XXIII.

Rousseau, "Profession de foi du vicaire savoyard", Emile.

Wagner, Les Maîtres-chanteurs de Nuremberg.

________________

(Enregistrement de l'exposé

Enregistrement du séminaire)

A/ Introduction: l'immixtion corruptrice de la subjectivité de la "personne" dans la belle totalité éthique

1. Pourquoi la "Terreur" est-elle un point de butée du développement? Situation historique de Hegel. L'apparence pacifique des Lumières, "dont le midi n'est pas sanglant" (PE 461): de la diffusion et de la propagation douce à l'explosion finale.

2. L'irruption corruptrice de l'individualisme subjectif: rappels sur le "statut personnel" romain.

3. Les tensions de l'individu moderne: l'Entfremdung, aliénation de l'être éthique substantiel. Dénaturalisation ou dénaturation? Les trois temps du chapitre:

  • La critique des préjugés religieux, et le renversement de l'intelligence et de l'"esprit" en sottise.
  • L'autocontradiction du soi purement négatif: Le Neveu de Rameau (le parallèle avec Martial).
  • L'horizon implicite de la Phénoménologie de l'esprit: un Etat post-révolutionnaire d'individus libres mais organiquement liés. Le mythe romantique tardif de la belle communauté chrétienne-germanique (Wagner). Le problème d'une synthèse philosophique introuvable entre libéralisme et conservatisme, et la place en creux de la sociologie.

3. Les innovations de ce chapitre et leurs paradoxes

  • Pas vraiment un développement chronologique, mais une succession de figures du subjectivisme avec un aller-retour entre Anciens et Modernes.
  • La découverte du discours dialectique entre logique pure et considérations empiriques. Le cas de l'analyse des Lumières comme particulièrement probant.
  • Non pas Kant, mais Mendelsohn ("culture" et "Lumières" en 1784 dans Qu'est-ce qu'éclairer?)
B/ Le travail de la culture, comme formation de l'individu pour soi

Rapport méprisant à l'Aufklärung:  c'est un cas de "conscience malheureuse" (PE 444). En même temps, schéma dialectique minutieux de son déploiement, dans une dialectique entre conscience de soi (forme, négativité, pensée, pour-soi, existence individualisée) et conscience (contenu, positivité, être, en-soi, universalité de l'essence). De la culture à la "pure culture", spécifiquement moderne: celle d'un pour soi dépourvu d'en soi.

1. Premier côté: la conscience de soi effective.
Comme prémisses, l'égalité "devenue" (reconnue) des individus (par contraste avec le statut juridique formel des personnes): elles se suppriment toutes effectivement au profit de l'universel (le Bien). Conflit entre l'intérêt particulier pour la richesse (le Mauvais) et le pouvoir universel d'État, entre conscience vile et conscience noble.
Attention, cet égoïsme est un égoïsme au sein de la substance éthique, et donc, en réalité la richesse poursuivie par chacun profite à tous (Smith), ce qu'il ne se représente pas, mais qui est la raison de sa richesse.
La question des "pairs" et la noblesse d'Etat des modernes.
Distinguer deux temps. a) L'opposition du Bien (l'universel du pouvoir d'Etat) et le Mauvais (la jouissance égoïste de la richesse; b) celle, qui réfléchit la première comme égalité ou inégalité du pouvoir d'Etat et de la richesse, de la conscience noble et de la conscience vile.
Hegel et la "société de cour"': nouvelle figure de la dialectique du maître et du serviteur. In fine, le noble pair devient un vil courtisan qui "s'enrichit du pouvoir d'Etat" (PE 437).
Du côté de la conscience vile: le client romain. La flatterie non-noble ("le jugement ravageur", Martial et ses épigrammes). Figure moderne: Le Neveu de Rameau. Idée-clé: son esprit "dénature" tout (PE 444), et non dénaturalise tout. Mais comme le "client" moderne n'est pas protégé par un ordre éthique "naturel", son autodestruction ironique, sa "pure culture" confine donc à la folie.

2. Deuxième côté, la conscience (ou l'essence sans existence effective).
Non seulement elle est au-delà de la conscience de soi effective, mais elle est même "fuite" vers un autre monde suprasensible (PE 449-450). De là on juge la vanité de l'ici-bas.
Du point de vue de l'objet de "croyance" (pas de savoir), cette conscience au-delà de la conscience de soi, ce Je pur qui est raison d'être du monde, c'est le Dieu du déisme, intelligence infinie, accessible sans révélation, objet d'une religion naturelle "philosophique" (Voltaire, Rousseau).
Ce que dit l'"être suprême" de Robespierre (PE 474) ━ ou le "grand architecte" des francs-maçons égalitaristes: "Soyez pour vous-mêmes ce que vous êtes tous en vous-mêmes, des êtres de raison" (PE 455).
Ce qui est vrai pour nous, néanmoins, c'est que "la connaissance absolue de la croyance n'est pas l'essence abstraite qui serait au-delà de la conscience croyante, mais au contraire l'esprit de la communauté [...]" (PE 464).

C/  Les Lumières qui effectuent historiquement le travail de la culture dans la Modernité, comme méconnaissance radicale de l'unité rationnelle de l'effectivité du sujet et de la présence substantielle de l'esprit

1. Le point de départ de l'Aufklärung, selon Hegel, c'est d'invoquer contre la croyance précisément l'intelligence dont la figure émerge à partir de la pure conscience au-delà de toutes les consciences (donc le déisme contre la religion). C'est ramener cette vérité de la conscience (de l'essence encore ineffective) dans l'effectivité du monde de la conscience de soi.
L'esprit, le Witz, au service de l'intelligence qui émancipe de la superstition; mais en réalité, cette intelligence suprême s'avère "sottise", car elle conçoit la religion dans les termes de la représentation. Les trois preuves d'esprit des Lumières et leur renversement en sottise:
  • La réification-fétichisation du divin; mais la croyance ne voit pas la matière, elle voit l'esprit.
  • La contingence des témoignages historiques invoqués par la religion; mais c'est la communauté des croyants qui atteste en chacun et pour chacun de la foi transmise par la tradition.
  • L'ascétisme est anti-naturel; mais les Lumières aussi invoquent au moins le droit au dépassement de l'égoïsme et de la jouissance privée.
Dans les trois cas, la prétendue intelligence critique non seulement fait un contresens sur l'esprit religieux, mais projette ses propres limites dans l'esprit religieux (chosification d'entendement, représentationnisme subjectif, impuissance à concevoir le collectif et la norme commune, réduction de l'idéal à un devoir-être asymptotique). En condamnant la religion, elle se condamne (PE 462-463).
La lutte conjointe contre "le prêtre trompeur" et le "despote oppresseur" (d'Holbach): annonce de la Révolution, qu'il faut entendre comme la destruction de l'en-soi par le pour-soi.

2. L'effet positif en retour de la critique de la superstition sur le monde de la conscience de soi effective: "Qu'est-ce qu'on fait maintenant?" (PE 470).

La critique de la superstition a dégagé la place d'un "absolu" (PE 471) qui ne coïncidera plus jamais avec une "chose". C'est désormais le pur négatif.
Étant devenue relation aux choses sensibles, la conscience naturelle n'est plus un point de départ (comme dans la visée du "ceci sensible"), mais un résultat.
La croyance, ainsi, a fini par devenir "la même chose" que les Lumières: une relation de raison du fini à l'infini.
Ces trois résultats signent la dette de Hegel à l'égard des Lumières, leur travail d'abstraction est essentiel, leur sérieux, c'est d'être devenu un monde. On verra dans la section finale que ce monde est livré à la "volonté" rationnelle des individus.

L'expression paradigmatique de ce nouveau rapport du fini à l'absolu, c'est que toute chose sert à une autre, toute chose est utile (il n'y a rien qui ne serve à rien, autrement dit le principe de raison de Leibniz, "rien n'est sans raison", est devenu pratiquement effectif, une forme de vie sociale).
La contradiction qui subsiste, c'est le mélange entre le matérialisme le plus brutal et le déisme le plus abstrait. Mais face à ces "platitudes", l'en soi et le substantiel réclament encore leur droit sous la forme d'une "désirance incessante de l'esprit rembruni en deuil d'avoir perdu son monde spirituel" (PE 481).
En cela les Lumières, en réarticulant le sensible et l'universel, le pour soi et l'en soi, parachèvent en raison le désenchantement du monde: "Les deux mondes sont réconciliés, et le ciel a été descendu et transplanté sur la terre" (PE 488).

Pour finir, les Lumières qui ont vaincu la superstition se divisent elles-mêmes en deux camps, en fonction de Spinoza (deus sive natura): soit un naturalisme matérialiste athée, soit un déisme moralisateur et abstrait. C'est la conséquence de leur rapport au "ceci sensible", articulé, via l'utilité, à l'absolu: ou bien elles choisissent le parti de l'être (le substrat matériel de la sensation), et le reste est abstraction, ou bien elles choisissent le parti de la pensée, et elles sont obligés de postuler un au-delà de la conscience de soi (un dieu rationnel et finaliste). Hegel propose ainsi une déduction dialectique exhaustive de l'esprit des Lumières.

mardi 2 mars 2021

11. L’esprit : l’ancrage historique des formes de la réflexivité (P.-F. Mouraud)

 Lectures préalables

-        Hegel Georg Wilhelm Friedrich, section A, chapitre 6, Phénoménologie de l’esprit, Jean-Pierre Lefebvre (trad.), Paris, Flammarion, coll. « GF », 2012

-        Brandom Robert, Part III, chapter 13, A Spirit of Trust, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2019 (conférence correspondante en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=e9cZPSSqr7A&feature=youtu.be)

-        Brandom Robert, « Autonomie, communauté et liberté », La Raison en philosophie, Paris, Ithaque, 2021, p.61-88. 

Références

-        Kervégan Jean-François, L’ effectif et le rationnel: Hegel et l’esprit objectif, Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque d’histoire de la philosophie N.S », 2007.

-        Loraux Nicole, Les enfants d’Athéna: idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, Paris, Points Seuil, coll. « Points Sciences humaines », 2007.

-        Moyar Dean (éd.), « Spirit in the Phenomenology » by Alznauer, The Oxford Handbook of Hegel, Oxford University Press, 2017.

-        Vidal-Naquet Pierre, Vernant Jean-Pierre, « Ebauches de la volonté dans la tragédie grecque » in Mythe et tragédie en Grèce ancienne, volume I, Paris, La Découverte, 2001, p.43-74

-        Hyppolite Jean, Genèse et structure de la phénoménologie de l’esprit de Hegel, Paris, Aubier, coll. « Philosophie de l’esprit », 1946.

 ________________________

(Enregistrement de l'exposé

Enregistrement du séminaire)

Commentaire du chapitre VI, section A : « l’Esprit vrai. Le souci des bonnes mœurs et de la coutume ». 

A/ Introduction : comment passer de Raison à Esprit ? Comment comprendre la dimension historique de l’Esprit ?

 1.     Comment lire l’Esprit ? Pourquoi ce chapitre introduit-il une dimension historique si forte qui n’apparaissait pas autant dans les autres chapitres ? Récapitulons :

-        Les normes de la raison pratique sont abstraites et insuffisantes, à moins qu’elles ne soient entendues en lien avec les contenus concrets que nous dérivons de notre monde éthique. L’être de la loi suppose un dépassement de l’opposition entre devoir et réalité.

-        Aucune norme ne peut être contraignante ou même valide indépendamment de tout contexte social (le « changement de point de vue » p.376-377).

-        Toute tentative de justifier la raison pratique aboutit à des normes sociales.

2.     En quoi la réflexivité du Soi de l’Esprit (conception dé-subjectivé de l’Esprit) se donne-t-elle dans l’histoire ? L’agent pratique autonome ne se réfère pas seulement à une loi constitutive de sa pratique, il doit également savoir (épistémique / raison théorique) que cette loi est constitutive de sa pratique. Passage des « figures de la conscience » aux « figures d’un monde » (p.381).  Si l’agent pratique doit savoir que la loi à laquelle il se réfère est constitutive de sa pratique, deux questions se posent :

-        Ce savoir est pris dans la dialectique de la reconnaissance. Qui est donc reconnu comme celui qui le sait ?

-        Ce savoir s’institue donc socialement dans les liens de dépendance normative. De quelle sorte de dépendance s’agit-il ?

3.     De Raison à Esprit, on passe ainsi d’une forme perspectivale de la rationalité à une forme pleinement réflexive. Toute la question porte alors sur le « nœud intentionnel » c'est-à-dire la manière par laquelle sont articulées socialement les relations aléthiques dans la forme objective du fait et les relations déontiques dans la forme subjective de la pensée. 

B/ La polis grecque : comment fabriquer un statut normatif de citoyen ? 

Ne pas rabattre la Sittlichkeit de la Phénoménologie de l’esprit sur la Sittlichkeit des Principes de la philosophie du droit.

1.     Intermède historique : l’autochtonie grecque à travers l’exemple d’Athènes. Le mythe d’Erechtonios et d’Athéna : l’institution sociale de la citoyenneté à Athènes.

2.     Qu’est-ce que la substance éthique ?

-        Du côté de la substance : l’effectivité de l’essence éthique ou la loi humaine

-        Du côté du sujet : la place de l’individu ou la loi divine

-        Unité immédiate du sujet de la substance : l’autochtonie grecque exige que le x qui naît d’une femme, soit d’abord reconnu comme doté du statut de citoyen sans qu’il soit reconnu en même temps comme individu.

C/ Comment l’institution sociale de la normativité ressurgit-elle sur la structure de l’agentivité ?

L’interpénétration en soi de la substance éthique et de l’individualité est, en fait, pour soi.

1.     Le sens du conflit éthique : la conscience éthique comme caractère et l’effectivité éthique comme destin.

2.     Comment les statuts normatifs peuvent-ils être normativement contraignants quand ils sont fondés socialement sur une immédiateté naturelle ? L’auto-destruction ironique du souci éthique.

C/ Le droit : de « comment fabriquer un statut normatif de citoyen ? » à « comment fabriquer un statut normatif de personne ? »

 Cf la note de Lefebvre p.411 : Rechtzustand.

1.     Qu’est-ce que le droit n’est pas ? Ce n’est ni une limitation ou restriction du libre-arbitre (Willkür), ni l’expression unilatérale des circonstances historiques. La conception dé-subjectivé de l’Esprit hégélien se donne dans une implication du théorique et du pratique. 

2.     Le déchirement de l’unité vivante immédiate de l’individualité et de la substance conduit à un atomisme social. C’est l’émergence du Moi abstrait comme une puissance d’appropriation (la propriété).

3.     La contingence du cette première forme de Soi spirituelle :

-        Du côté de la substance : la contingence et la disponibilité

-        Du côté du sujet : l’absence de limites juridiques à l’acte d’appropriation individuelle cache en fait des limites réelles c'est-à-dire sociales et politiques (passage à la Bildung). 

D/ Conclusion : Brandom, une lecture intégralement normative de Hegel

1.     D’un concept dé-subjectivé de l’esprit comme implication du théorique et du pratique (Hegel) à une conception non-psychologique du conceptuel (Brandom) intégrant les modalités déontiques et les modalités aléthiques.

2.     Le résultat qu’atteint Brandom, c’est qu’il réconcilie par Hegel, la conception normative kantienne du sujet rationnel comme synthèse, avec l’explication pragmatiste en sémantique de la conception du contenu conceptuel en termes de force normative. Ainsi l’autonomie, c’est le nœud intentionnel unissant l’autorité de ce dont on parle sur ce qu’on en dit et la responsabilité sociale à stabiliser le contenu de ce dont on parle, dans le contexte d’une conception sociale de la normativité conceptuelle.

dimanche 14 février 2021

10. De la Raison à l’Esprit : une théorie sociale de l’autonomie (Mathurin Schweyer)

Lectures préalables

Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, section B et C du chapitre V « Certitude et vérité de la Raison », trad. J.P. Lefebvre, GF

Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 113 – 124, trad. J.F. Kervégan, PUF, 2013

Références :

Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé, Troisième partie : « La philosophie de l’Esprit », Vrin, 2018

Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques, tome I : « La science de la Logique », Vrin, 1896

Hyppolite, Genèse et structure de la Phénoménologie de l’Esprit, Chapitre V : « L’œuvre humaine et la dialectique de l’action », 1974

Brandom, A Spirit of Trust, Chapitre 1: “Hegel’s Expressive Metaphysics of Agency”, 2019

Pippin, Hegel’s Practical Philosophy, Chapitre 6: The freedom of the will: social dimensions, Cambridge University Press, 2018

Julia Christ, Kritik als Spiel, chapitre IV: „Von Regeln und Individuen: Hegels Kapitalismuskritik“, Nomos, 2017

Christoph Menke, Autonomie und Befreiung: Studien zu Hegel, Suhrkamp, 2018

Etienne Balibar, Citoyen sujet, Chapitre 7 : « Zur Sache Selbst : du commun et de l’universel dans la Phénoménologie de l’Esprit », PUF, 2011

Honneth, La reconnaissance. Histoire européenne d’une idée, Chapitre III, Gallimard, 2020

Adorno, Dialectique négative, Deuxième partie : « Concepts et catégories », Payot, 2007.

________________________

(Enregistrement de l'exposé)

 A.    Introduction : le problème moderne de l’autonomie 

1.     Centralité de la philosophie de Hegel pour la théorie sociale : de la réflexion abstraite sur la liberté à l’analyse concrète de ses conditions sociales de possibilité.

2.     La place de la section B et C du chapitre V dans la structure générale de la Phénoménologie : une rupture entre le chapitre V et le chapitre VI ou une transition interne à la partie C de la Phénoménologie ? Le problème du rapport entre l’analyse phénoménologique de l’effectivation par elle-même de la conscience de soi rationnelle et le processus phénoménal de formation de « l’esprit subjectif » et de « l’esprit objectif ».

3.     Un problème moderne : « l’individu face aux lois ». Le développement d’une « société d’individus » la dissolution de l’unité de la conscience et de l’esprit. La double ambition de l’analyse hégélienne : analyser à la fois les apories théoriques et pratiques du subjectivisme (moral, politique et épistémologique) et les conditions sociales de son développement dans la modernité. Le « souci éthique perdu » comme symptôme de l’incapacité de « l’essence spirituelle » à réaliser le concept de l’Esprit. 

B.    La critique hégélienne du subjectivisme comme « aliénation »

 1.     Point de départ des aventures de la conscience singulière : de la Sittlichkeit à « l’esprit de la terre » (Faust). La négativité du désir et l’hétéronomie de la « première nature ».

2.     Passage de l’extériorité (hétéronomie intérieure) à l’intériorité (hétéronomie extérieure) : la « loi du cœur ». Le renversement moderne du modèle traditionnel de l’obéissance et le « fantasme de la Maîtrise » (Brandom).

3.     De l’auto-législation à l’auto-discipline (Kant) : d’où vient la loi qui ordonne de se donner des lois ? La vertu comme « sacrifice de la personnalité ». Une résolution pratique de l’opposition théorique entre intériorité (être pour-soi) et extériorité (être en-soi de la conscience de soi) : centralité de la théorie de l’action.

C.    La théorie hégélienne de l’action : un dépassement de l’opposition entre intériorité et extériorité

 1.     Une double critique de l’intentionnalisme (morale déontologique) et de l’externalisme (morale conséquentialiste). Une conception rétrospective de l’intention (Pippin). La distinction moderne entre Tat et Handlung. La dimension temporelle de l’action : « la fin visée » comme résultat d’un rapport entre l’individualité et l’effectivité.

2.      Théorie expressiviste de l’œuvre et de l’action comme « interprétation de l’Universel et de l’individualité ». La malhonnêteté de la « conscience honnête » : « rendre effectif, c’est exposer ce qui est sien dans l’élément universel, en sorte qu’il devient la Chose de tous ».

3.      L’adéquation entre le résultat et la fin visée comme adéquation entre « l’œuvre pour-soi » et « l’œuvre pour-les-autres ». L’activité de tous et de chacun (Tun aller und jeder) et la distinction entre Absicht et Vorsatz. Le passage de la certitude à la vérité de l’effectivité de la conscience de soi rationnelle comme processus social de reconnaissance réciproque. Pour sortir de l’impasse de la Maîtrise, une structure coordonnée d’autorité et de responsabilité : la « Chose de tous » est la « Chose-même ». 

D.    De la Chose-en-soi (Ding-an-sich) à la Chose-même (Sache-selbst)

 1.     L’institution sociale de la signification : la réalité est structurée par elle-même. De la théorie de l’action à la théorie du jugement : la Chose-même, un « prédicat universel » ou un « Sujet » ? Passage du « jugement de subsomption » au « jugement du concept ».

2.     Contre le concept de « Chose-en-soi », une critique du jugement de subsomption. Le « Je est être, et l’être est Je » : non parce que le sujet transcendantal détermine la réalité, mais en raison d’une concordance déjà-réalisée entre l’être et la pensée.

3.     L’acte de jugement comme participation à « l’activité de tous et de chacun ». Enjeu politique de cette thèse épistémologique : l’autonomie comme « liberté positive expressive ». Identité immédiate du Je et de « l’être de la loi ».

E.     L’opposition entre Moralität et Sittlichkeit comme symptôme d’une crise de « l’essence spirituelle » 

1.     Les « masses » de la « substance éthique » et la « raison commune des hommes dans l’exercice de son jugement pratique » (Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs et Doctrine de la vertu). La critique de Hegel : de « l’auto-contradiction » (universalisation de la contingence) à la tautologie (identité à soi de « l’essentialité éthique »).

2.     Aboutissement de la critique de l’auto-législation : « l’être de la loi » comme dépassement de l’opposition entre devoir et réalité. L’autonomie est un « blasphème » : passage des « lois » (Gesetze) aux « commandements » (Gebote).

3.      La crise moderne de l’éthicité : de l’essence spirituelle (« substance éthique ») à l’esprit (« effectivité éthique »). La rupture de l’identité immédiate de la conscience de soi avec « l’être de la loi » est une rupture dans « l’être de la loi ». 

F.     Conclusion : le devenir de l’Esprit et le problème de la particularité de « l’essence spirituelle » dans la modernité

1.     Nécessité d’analyser les conditions sociales de la « disparition » du « souci éthique » dans la modernité : la critique du jugement de subsomption et l’interprétation marxiste du « jeu des individualités » comme analyse de la structure de l’échange marchand (Adorno).

2.     De la libération de la « première nature » à la libération de la « seconde nature » : la naturalisation de l’Esprit dans la modernité (Menke). Le problème du rapport entre « théorie de la reconnaissance » et « théorie de la libération » : la naturalisation de l’Esprit comme « fermeture argumentative » (Honneth). L’horizon de signification qui détermine l’étendue des raisons mobilisables dans un ordre de reconnaissance donné est-il uniquement circonscrit par les pratiques de reconnaissance réciproque ?