mardi 15 octobre 2024

1. Préliminaires à une lecture de la Traumdeutung de Freud: une philosophie de l'esprit inconscient, une forme nouvelle de réflexivité sociale sur l'individu moderne

Références bibliographiques

S. Freud, L'Interprétation du rêve, OCP IV, 2003, PUF. (voir en ligne)

S. Freud, L'Interprétation des rêves, tr. fr. J.-P. Lefebvre, 2010, Seuil.

S. Freud, L'Interprétation/La Science des rêves, tr. fr. I. Meyerson, entièrement révisée par D. Berger, 1926, 1967², PUF.

D. Anzieu, L'Auto-analyse de Freud et la découverte de la psychanalyse, vol.1 et 2, 1975², PUF (pas l'édition réduite en un seul volume).

D. Bourdin, Sigmund Freud, L'Interprétation des rêves, 2005, Bréal (un aide-mémoire précis et utile).

P.-H. Castel, Introduction à L'Interprétation du rêve de Freud. Une philosophie de l'esprit inconscient, PUF, 1998. Voir notamment l'Avant-propos et la préface de ce livre, ainsi que mon Résumé analytique de la Traumdeutung.

A. Mayer & L. Marinelli, Rêver avec Freud. L'histoire collective de L'Interprétation du rêve, Aubier, 2009.

_______________

A/ Introduction: programme d'études de ce séminaire

1. La Traumdeutung comme un grand texte de philosophie de l'esprit. Un Traité de l'âme d'ambition aristotélicienne (l'âme entéléchie du corps vivant, la question de l'essence ou de l'essentiel dans le vivant-pensant), mais pour l'individu moderne (qui n'est pas censé posséder une âme "animante", Seele, mais un "psychisme" objectivable). Locke/Leibniz, Hume (Traité de l'entendement humain), mais aussi Nietzsche ou Wittgenstein: sauf que la "métapsychologie" se substitue à la métaphysique. La visée est philosophique: une réarticulation conceptuelle à la fois causale et sémantique et surtout générale-intégratrice de la vie de l'esprit subjectif. Le problème de l'intentionnalité non-consciente/inconsciente. Enjeu final du gnôthi seauton de la Traumdeutung: le rêveur immoral. La qualité éthique de l'individu (sain ou malade) ne s'évalue plus à sa (bonne) volonté, mais à l'articulation plus ou moins maîtrisée de son désir.

2. Mais ce texte qui est une théorie générale de l'esprit a également institutionnalisé une nouvelle forme de réflexivité collective (la psychanalyse, ses controverses) en lien immédiat avec une nouvelle pratique thérapeutique-émancipatrice: l'association libre sur les rêves (les symptômes, les fantasmes), dans la cure-type. 

Sortir du cliché d'une critique du moi conscient des seuls philosophes. C'est la réflexivité exigible d'un projet de vérité sur soi "par soi" typique de l'individualisme moderne (son idéal d'autonomie). Contexte éliasien de ma démarche: la Selbstzwang (autocontrainte), pierre de touche de l'agent social fiable quand les contraintes physiques externes diminuent. Regarder "dans les yeux" les pulsions et fixations (infantiles perverses) qui s'opposent à ce projet d'autocontrôle, lequel rend enfin effective l'autonomie dans l'individu.

Le Freud auteur de la Traumdeutung: un Juif libéral en Autriche-Hongrie avant 1914. Rationalisme progressiste des Lumières, universalisme, scientisme, historicisme, économisme. Or les conditions d'émergence de la psychanalyse (avec la théorie du rêve comme intégrateur "métapsychologique" en 1900) ne sont pas celles de son développement et de son extension (de l'inclusion, y compris comme "erreur exemplaire", du "mouvement psychanalytique" dans le "processus de civilisation" moderne, au-delà de Freud).

Après Freud, donc, examiner le kleinisme (Meltzer contre la Traumdeutung), ou Lacan (le rêve n'est plus qu'un domaine où s'illustre les "jeux du signifiant"), Bion enfin (le rêver-processus, dreaming, devient l'acte psychique par excellence, mais il s'ensuit une inversion/dialectisation radicale des motifs-clés de la Traumdeutung). Or tout cela s'appuie sur des pratiques (des procédés techniques) et des idéaux thérapeutiques-émancipateurs ainsi que sur des compréhensions idéologiques-sociales du "malaise dans la culture" (et donc des types de patients "psychanalysables") chaque fois très distincts.

3. Problème méthodologique: un double parallèle à justifier. a) Une lecture épistémologique "expressiviste" de l'émergence et de la stabilisation des concepts-clés de la doctrine psychanalytique du rêve/rêver à partir des pratiques effectives. b) Une seconde mise en parallèle desdites pratiques avec les attentes normatives, mais aussi les contraintes structurales, qui régissent la quête d'une guérison-libération "psychique" dans le cadre des sociétés individualistes modernes en évolution. Ce que cette méthode a de général pour la philosophie des sciences sociales.

4. L'hypothèse ultime de cette lecture élargie (mise en perspective socio-historique longue de son projet) de la Traumdeutung. D'abord une connexion suggestive entre philosophie de l'esprit (de la connaissance, épistémologie) et sociologie historique de la connaissance (analyse à la Durkheim, Formes élémentaires de la vie religieuse) de l'émergence et de la lutte continuée pour la pertinence de catégories réflexives générales à portée critique (inconscient sexuel, refoulement, Œdipe, etc.). Ensuite (à la Elias) l'idée qu'une évolution réelle des appareils psychiques des individus eux-mêmes, après et à cause des théories psychanalytiques du rêve. Pas une élucidation nouvelle de l'essence de l'esprit; mais une évolution du fonctionnement psychique des individus modernes. On ne rêve plus après Freud comme avant; et c'est une affaire de "grammaire du rêver".

5. Méthode de travail du séminaire.

B/ Premières hypothèses et questions sur l'évolution de la théorie psychanalytique du rêve après Freud.

C/ De la nouvelle "grammaire du rêver" aux mutations de l'expérience de l'intériorité subjective: quelques clarifications.



Aucun commentaire: