mardi 30 septembre 2025

Annonce du séminaire "Philosophie et sciences sociales", année 2025-2026.

Le mouvement psychanalytique au XXe siècle. Histoire conceptuelle, philosophie de l’esprit et sociologie de la connaissance

Une enquête sur l'émergence et les transformations de la notion de borderline et d' "état limite" aux Etats-Unis et en France (1945-2025)

En quel sens les concepts éminemment « psychologiques » de la psychanalyse, et ce qu’ils prétendent faire connaître du « sujet individuel », sont en vérité des catégories sociales – i.e. des catégories de la connaissance réflexive sociologiquement et historiquement déterminées ? Poser cette question est dérangeant : la psychanalyse a souvent revendiqué une position d’extériorité par rapport au social, soit par la voie naturaliste (Freud), soit au risque de généralités quasi métaphysiques (Lacan). La justifier exigera, donc, de prendre en considération, quand on entreprend l’histoire conceptuelle de la psychanalyse au 20e siècle, les métamorphoses de la socialisation individualiste, ses multiples crises dans les sociétés modernes, et les remèdes qu’on leur a imaginés, dont, entre autres, le divan. Mais plutôt qu’offrir une nième mouture de l’"histoire culturelle" des influences qui ont façonné les théories freudiennes et post-freudiennes, ce séminaire ambitionne de cerner de plus près le parallèle éliasien entre sociogenèse et psychogenèse tout du long du processus de civilisation, autrement dit, d’appréhender la réflexivité psychanalytique à l’aune des paradoxes de ce processus et des épreuves individuelles et collectives qu’il implique. Projet bien différent de celui d’une critique épistémologique in abstracto de la psychanalyse. Avec cela, argumentera-t-on, l’enjeu de l’objectivité des notions psychanalytiques ne disparaît nullement ; il est au contraire réélaboré, mais, défendrai-je, à la lumière d’une philosophie "sociale" de l’esprit, pragmatiste et expressiviste.

Or, vais-je argumenter, pour être vraiment éliasien, ce projet doit enrichir et déplacer les enjeux usuels d'une telle philosophie sociale de l'esprit. Il doit la confronter à ceux d'une sociologie historique de la connaissance, où les formes proprement modernes de la réflexivité sont lues dans un rapport de co-variation avec les transformations sociales et psychiques (la sociogenèse et la psychogenèse) qui ont engendré la "société des individus" (expression toute paradoxale !). En quel sens, ainsi, la psychanalyse relève-t-elle bien de ces formes modernes de la réflexivité, au même sens, notamment que les sciences sociales ?

Le séminaire de cette année, du point de vue scientifique, comportera donc deux aspects : 1) La présentation d'un travail en cours sur l'émergence de la catégorie de borderlines/« états limites » en psychanalyse et en psychiatrie, aux Etat-Unis et en France, ce qui relève de l'histoire des sciences et des idées ; 2) une élucidation, sur la base de ce matériel, des mutations de la catégorie de personne dans les crises récentes de l'individualisme (depuis la Seconde guerre mondiale), mais aussi des instruments épistémiques qui la révèle, et donc de la théorie et de la pratique psychanalytiques comme forme réflexive et critique d'intelligibilité de notre modernité en évolution, ce qui relève de la philosophie et de la sociologie de la connaissance.

Sur le plan pratique, s'y joindront des exposés sur des travaux d'étudiants en cours sur les relations entre psychanalyse, philosophie politique et sciences sociales, et des séances réservées à la discussion de recherches extérieures en cours sur ces mêmes thèmes.

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